À ciel ouvert 13 — Automne 2024 / Hiver 2025

L’Éveil d’Abélard

Serge Ben Nathan (Colombie-Britannique)

Le touché - Nicole Dextras

Le touché - Nicole Dextras

Sculpture de glace et tissus, 2011

Il la regarda, simplement, comme on regarde un ciel d’hiver lorsque déjà des promesses de printemps se font sentir.
Elle répondit à ce regard en lui tendant les mains, 
Mains que peut-être il n’osa prendre, 
Qu’en fait il ne vît même pas tellement il voyageait dans les couleurs vertes et cendrées de ses yeux.
Le paysage qui s’offrait à lui, c’était tout à la fois les cendres des forêts en feu et le calme des sources 
La force d’une rivière se jetant à courant perdu dans l’océan. 
Une eau épaisse, profonde, étonnamment fraiche dans laquelle il plongeait et replongeait. 
Parfois, il se laissait flotter, 
Sa bouche faisant face au ciel formait alors des mots qui sortaient, silencieux, comme entourés, protégés d’air. 
Des mots bulles éclatant avec légèreté dans l’air frais, 
Suivi par la résonance extraordinaire d’un rire 
Déchirant toute la solitude du monde 
Tel un éclair le ciel
Mais, 
Toujours présente, 
Ancrée comme une barque indifférente au remous, 
L’insistance de cette femme, debout devant lui, qui lui disait déjà je t’aime du bout des doigts, qui lui disait viens me chercher,                
Je t’attends, 
Elle lui disait viens entre mes lèvres 
Entre ma peau et ma chair 
Entre mes paupières et mes yeux
Je ne veux plus attendre 

Ses doigts, ses bras, son cœur, ses poumons, ses entrailles, 
Son corps entier s’étira jusqu’à lui pour le serrer de toutes ses forces 
Pour le faire entrer en elle
Sentir chaque particule de cet être pénétrer sa chair, son âme 
Elle s’enfouit à l’intérieur de ce corps qui en était deux pour lui murmurer : Entends nos cœurs qui battent, qui battent, qui battent…
Lui, était toujours à son rire, 
Il savait, 
Il savait qu’ils étaient heureux, là, maintenant et il riait encore plus fort 
Faune ruant dans les herbes hautes du corps de sa bien-aimée 
Son rire chantait épouse-moi, épouse-moi! 
N’attendons pas la fin des temps, n’attendons rien que nous-mêmes et nous sommes ici, présents
Depuis cet amour, on dit qu’entendre un rire sans en percevoir la provenance porte chance et rend heureux.
Ce soir-là, dans les brumes silencieuses qui flottaient au-dessus de la campagne mouillée,
Ce rire murmurait à Héloïse et Abélard que leurs cœurs de fait battaient ensemble
Que le bonheur était là
Qu’ils allaient être heureux
Jusque dans la mort puisque c’est la vie qui 
Tel le feu
Entra en eux

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RÉNOC 2024-25
RAFA-ACO-10-2023
125 ans de francophonie au Yukon

Créations

Poème nocture Poème nocture

Au moment de vivre une nouvelle période du soleil de minuit au Yukon, il y a la beauté, mais aussi l’angoisse de cet éveil qui ne veut pas s’endormir.

Le voyage Le voyage

Ce poème explore le parcours intérieur d'un jeune homme partant d'un petit village agricole vers une quête de soi. À travers les métaphores de la navigation en mer, le poème illustre les défis et les révélations auxquels il est confronté. 

Errements Errements

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera  / Mon peuple souffre et mon âme est en berne.
Nous les retrouverons, nous les rassemblerons / Tous ces perdus de la forêt, du désert et de la méditerranée. 

 

Le Fatboy de Dairi-Wip Le Fatboy de Dairi-Wip

Après avoir fait ses études dans une université prestigieuse de l'Est, la narratrice revient chez elle, à Saint-Boniface, et pose un regard nouveau sur sa culture franco-manitobaine. Elle se rend compte de tout ce qui lui a manqué même si elle ne voyait pas la chance qu'elle avait à 18 ans.

L’éveil d’une pécheresse  en bonne et due forme L’éveil d’une pécheresse en bonne et due forme

Ce récit témoigne de l'influence de la religion sur une période de vie précise. Il raconte la lourdeur et l'inconfort et comment les jeux des enfants offrent souvent une porte de sortie devenant une issue de secours. 

Grande tante Lucie Grande tante Lucie

Morcelée par le passage des années, l'ardeur renaît chez Grande Tante Lucie alors qu'elle prodigue des soins aux pensionnaires du Centre de l'Éveil. Passionnée de médecine et de couture, elle tissera la courte-pointe de ses talents en passant d'une aiguille à l'autre.

Ébréchée (extrait) Ébréchée (extrait)

Pièce en chantier se déroulant principalement aux Territoires du Nord-Ouest. Les temporalités confondues illuminent les liens entre l'obsession du trouble obsessif compulsif, la charge mentale, et la nature comme agent de libération. 

Réparer le monde Réparer le monde

Dans un petit village isolé de la côte Nord-Ouest du Pacifique, une femme mûre venue de très loin transmet le récit de son peuple qui lutte avec courage contre la tyrannie de ses dirigeants. 

« Allez, enseignez toutes les nations » « Allez, enseignez toutes les nations »

Si les faits historiques de ce monologue sont réels, la narratrice est fictive. Religieuse centenaire, elle fait un retour sur son rôle au sein des écoles résidentielles pour autochtones. 

La ferme La ferme

Premier prix dans la catégorie prose du CCLONC 2024

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Les artisans de ce numéro

Coordination de la publication :
Jeffrey Klassen

Comité de rédaction :

  • Marie-Diane Clarke
  • Tania Duclos
  • Mychèle Fortin
  • Lyne Gareau
  • Jeffrey Klassen
  • Jean-Pierre Picard

Auteur·e·s :

  • Serge Ben Nathan (C.-B.)
  • Joëlle Boily (C.-B.)
  • Marie Carrière (AB)
  • Louise Dandeneau (MB)
  • Mélanie Fossourier (C.-B.)
  • ioleda (YK)
  • Amélie Kenny Robichaud (YK)
  • J. R. Léveillé (MB)
  • Gaël Marchand (YK)
  • Zoong Nguyên (AB)
  • Seream (MB)
  • Michèle Smolkin (C.-B.)

 

Artiste invitée :
Virginie Hamel
virginiehamel.com

Mise en page et mise en ligne :
Jean-Pierre Picard

Merci à l’Association des auteur·e·s du Manitoba français qui a piloté l’organisation du Concours de création littéraire de l’Ouest et du Nord canadiens (CCLONC).

La revue À ciel ouvert est publiée et diffusée par :

Coopérative des publications fransaskoises

en partenariat avec

Collectif d'études partenariats de la FransaskoisieRegroupement des écrivains·e·s du Nord et de l'Ouest canadiens


Merci à nos commanditaires:

    Conseil culturel fransaskois   Saskculture Fondation fransaskoiseGouvernement du Canada