À ciel ouvert 13 — Automne 2024 / Hiver 2025

Hélène Ouedraogo

Le rapt

Hélène Ouedraogo (Saskatchewan)

Hélène Ouedraogo

Hélène Ouedraogo

Les quelques enjambées que je fis

La vie agonisante, je me rapprochai

L’arc-en-ciel de l’espoir, j’ai retrouvé

Mon âme à l’enfer se refusait.

 

De lait de chamelle, j’avais été gavée

Mon corps dans le sable prit forme

Mais le cache-cache demeurant favori

La transformation fut sauvage, la nature altérée.

 

Ce jour noir peint de soleil

Pourtant mère m’avait rassuré, donc encore cinq saisons

Sautant, chantant, gambadant dans le pâturage

De ma frêle allure, la capture n’avait égard.

 

J’étais enfant, je voulais le rester

Tapis sous le couvert maternel,

Reverdissant à toutes épopées

Contées sous les veilles de nouvelles lunes.

 

De ma frêle allure, la capture s’en moquait

Dans le dos, j’étais poignardée femme

Épouse, on m’y crucifia

Maudissant sans cesse le présent meurtrier.

 

Dans le dos, j’étais poignardée épouse

Femme, je devrais le devenir

Les soupirs et l’amertume avaient réveillé l’instinct

Femme, mon corps s’y refusait.

 

 Mes jambes à mon cou, je joignis

 La poudre d’escampette, je pris

 Scellé fut mon sort, fini innocence 

 Adieu enfance, adieu insouciance.

 

J’étais enfant, je voulais le rester

 De force, je fus précipitée 

L’enfer d’une vie adulte m’accueillait

D’une main, le bâillon se posa. 

 

Huit mains m’avaient transportée

Les ‘’bassimam’’(laissez-moi) que je vociférai

N’avaient ému personne, personne

Rudesse de vie, rapace, vorace, tenace.

 

Les coups de pied par-ci

Les coups de bras par-là

Des morsures de part et d’autre

Des petits coups, de petites morsures.

 

Dans une case j’étais jetée

Les cris stridents des mères

À mes oreilles parvenus, me transpercèrent 

Irriguant ma désolation, séchant mon innocence.

 

À mon absence le mariage fut scellé

Le père, fier, mâchait sa cola

Expliquant à ses pairs l’indicible exploit

L’école et les filles ne faisant bon ménage.

 

À mon absence le mariage fut scellé

Les noces trois lunes durèrent

Tantes et sœurs se saupoudraient

Mon cœur à la fête n’y tenait, je n’y étais.

 

Dans la nuit noire, j’y fus précipitée

Je me déchirai de partout

 Le soir, l’homme, le mari viendra

Son dû lui sera rendu, deux matrones seront là.

 

Elles appuieraient par-ci

Elles attraperaient par-là

Les genoux écartelés, on me tiendra

Lancinante sera la douleur.

 

Mais dans l’espérance de la mort

Le glas de mon enfance je le sonne

Les noces lugubres n’auront lieu

Ils entendront mon soupir, le dernier.

 

Les râles de mon corps mourant

Emporteront les déconfitures de la vie

L’âme en larmes retournera précoce

Dans le paradis du Bon Dieu.

 

Et moi, je les hanterai âprement

Je les poursuivrai de ma lance aiguisée

Le châtiment nullement ne s’éteindra 

En enfer, ils ne l’emporteront guère.

Imprimer
15
Publicité ACO  14
RAFA-ACO-10-2023
Le secret de Luca
CCAFB-2025

Créations

Poème nocturne Poème nocturne

Au moment de vivre une nouvelle période du soleil de minuit au Yukon, il y a la beauté, mais aussi l’angoisse de cet éveil qui ne veut pas s’endormir.

Le voyage Le voyage

Ce poème explore le parcours intérieur d'un jeune homme partant d'un petit village agricole vers une quête de soi. À travers les métaphores de la navigation en mer, le poème illustre les défis et les révélations auxquels il est confronté. 

Errements Errements

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera  / Mon peuple souffre et mon âme est en berne.

Le Fatboy de Dairi-Wip Le Fatboy de Dairi-Wip

Après avoir fait ses études dans une université prestigieuse de l'Est, la narratrice revient chez elle, à Saint-Boniface, et pose un regard nouveau sur sa culture franco-manitobaine. Elle se rend compte de tout ce qui lui a manqué même si elle ne voyait pas la chance qu'elle avait à 18 ans.

L’éveil d’une pécheresse  en bonne et due forme L’éveil d’une pécheresse en bonne et due forme

Ce récit témoigne de l'influence de la religion sur une période de vie précise. Il raconte la lourdeur et l'inconfort et comment les jeux des enfants offrent souvent une porte de sortie devenant une issue de secours. 

Grande tante Lucie Grande tante Lucie

Morcelée par le passage des années, l'ardeur renaît chez Grande Tante Lucie alors qu'elle prodigue des soins aux pensionnaires du Centre de l'Éveil. Passionnée de médecine et de couture, elle tissera la courte-pointe de ses talents en passant d'une aiguille à l'autre.

Ébréchée (extrait) Ébréchée (extrait)

Pièce en chantier se déroulant principalement aux Territoires du Nord-Ouest. Les temporalités confondues illuminent les liens entre l'obsession du trouble obsessif compulsif, la charge mentale, et la nature comme agent de libération. 

Réparer le monde Réparer le monde

Dans un petit village isolé de la côte Nord-Ouest du Pacifique, une femme mûre venue de très loin transmet le récit de son peuple qui lutte avec courage contre la tyrannie de ses dirigeants. 

« Allez, enseignez toutes les nations » « Allez, enseignez toutes les nations »

Si les faits historiques de ce monologue sont réels, la narratrice est fictive. Religieuse centenaire, elle fait un retour sur son rôle au sein des écoles résidentielles pour autochtones. 

La ferme La ferme

Premier prix dans la catégorie prose du CCLONC 2024

No content

A problem occurred while loading content.

Previous Next

  

La revue À ciel ouvert est publiée et diffusée par :

Coopérative des publications fransaskoises

en partenariat avec

Collectif d'études partenariats de la FransaskoisieRegroupement des écrivains·e·s du Nord et de l'Ouest canadiens


Merci à nos commanditaires:

    Conseil culturel fransaskois   Saskculture Fondation fransaskoiseGouvernement du Canada