À ciel ouvert 13 — Automne 2024 / Hiver 2025

Amber O’Reilly (Manitoba)
/ Catégories: Textes

Millenial Jesus

Amber O’Reilly (Manitoba)

MACKASEY – Portrait-bouteilles-mémoire de mon fils Chevez à 15 ans

MACKASEY – Portrait-bouteilles-mémoire de mon fils Chevez à 15 ans

32’’ h x 35’’ l – Vitre, liquide coloré, adhésif et métal – 2017
Crédit de photo : Percy Paul

C’est-tu trop demander à la vie, une maison où je peux prendre un bain sans voir la moisissure s’infiltrer derrière la plomberie ? Un marché immobilier juste un peu plus clément?

Un homme juste un peu plus à ses affaires? Une job juste un peu moins crève-cœur?

Avis de recherche: une seule personne de notre âge, de cette génération perdue qui va bien. Une personne si follement amoureuse de sa vie qu’elle se rappelle même de se soucier de celle des autres. Quelqu’un de profondément heureux et doté d’un amour de soi sans bornes. Cesse de te cacher, pis dis-moi pas que tu veux pas être connu.

Moi, je veux te connaître pour me convaincre de l’irréfutable possibilité de ton existence. Que c’est possible, qu’on est pas forcément voués à une insatisfaction amère et chronique. À un abysse d’angoisse existentielle infinie.

Je veux te stalker et mettre le doigt sur ton point faible, que tu tombes à ton tour. Mais je veux surtout que tu deviennes méga-influenceur, que tu nous sauves le cul avec ta bonté et ta grâce. C’est toi, Millenial Jesus? Laisse-moi prouver que t’es du fake news, parce que c’est pas un hasard si aujourd’hui nos vies sont d’la marde (Amen, Lisa Leblanc). Peut-être qu’on aime ça de même. Après tout, c’est rendu plus romantique de chialer que de vivre. Pis nous, les bohèmes de rien, osti qu’on aime ça chialer.

regrette regratte

de ne pas t’avoir embrassé sous les couvertes
tandis que le navire percutait l’iceberg

de ne pas t’avoir nommé toutes les étoiles,
ta nuque sur mon ventre la nuit du lac gelé

de ne pas avoir ciselé la glace foncé droit au but
de ne pas avoir respiré le musc des chevaux depuis cet été-là
de ne pas avoir avalé une bouchée de vie avant de m’évanouir dans ce métro

ce t-shirt translucide trop moulé même si c’est toi
qui devrais regretter ton commentaire
d’être montée dans ton appart si aveugle à tes intentions

je regrette d’avoir quitté trop tôt
d’être restée trop tard
de ne pas t’avoir tout dit tout écrit
de ne pas t’avoir aimé comme tu le méritais
de ne pas t’avoir à mes côtés ni entre mes côtes

de tous mes regrets, je regrette de ne pas t’avoir eu

Pouls de bêtes

Dans mes rêves je peine à soigner 
tous les animaux à ma charge
ils souffrent d’une extrême négligence
leur pelage emmêlé, graisseux
leurs regards suppliants
à manger à boire à paître en liberté

il y a littéralement
trop de chats à fouetter
et je ne maîtrise pas ma violence

éprise d’une culpabilité frénétique 
qui remonte aux enterrements de poissons 
dans des bocaux vitrés sous la terre
déjà le cyclone hydrologique de la mort 
faisait scintiller trop de nageoires
je n’avais pas l’alchimie 
des aquariums dans le sang

Puis Esther
cobaye inespéré
course folle le tour de la grande épinette 
broutage de carottes, petites crottes
sciures de pin huit ans enfermé
et innocent

Jamaico
hamster Indiana Jones
il explorait la maison dans une bulle
de plastique, un petit nuage gris
une planète à l’orbite confuse

Toby
l’épagneul d’une pureté d’âme
il a rongé d’innombrables barrières
pour retrouver la chaleur de ses maîtres absents
sourd, aveugle, la peau enflammée
maïs soufflé et saumon avant que ses cendres
ne reposent dans une boîte sur l’étagère

Gerbille blanche et noire
retrouvée morte sans nom
rigor mortis dans sa cage
congelée dans une boîte de carton

ces animaux de compagnie auxquels je 
n’ai pas su tenir compagnie
reviennent en troupeaux, en meutes
vaches, brebis, chevaux
à tous les étages d’un gratte-ciel incendié
leurs beuglements hantent mes nuits

et je sillonne mon cimetière
pour me racheter un jour peut-être
rendre à mon espèce
un semblant de dignité

Télécharger le PDF

Imprimer
335
RAFA-ACO-10-2023
125 ans de francophonie au Yukon
RÉNOC 2024-25
Le secret de Luca

Créations

Poème nocture Poème nocture

Au moment de vivre une nouvelle période du soleil de minuit au Yukon, il y a la beauté, mais aussi l’angoisse de cet éveil qui ne veut pas s’endormir.

Le voyage Le voyage

Ce poème explore le parcours intérieur d'un jeune homme partant d'un petit village agricole vers une quête de soi. À travers les métaphores de la navigation en mer, le poème illustre les défis et les révélations auxquels il est confronté. 

Errements Errements

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera  / Mon peuple souffre et mon âme est en berne.
Nous les retrouverons, nous les rassemblerons / Tous ces perdus de la forêt, du désert et de la méditerranée. 

 

Le Fatboy de Dairi-Wip Le Fatboy de Dairi-Wip

Après avoir fait ses études dans une université prestigieuse de l'Est, la narratrice revient chez elle, à Saint-Boniface, et pose un regard nouveau sur sa culture franco-manitobaine. Elle se rend compte de tout ce qui lui a manqué même si elle ne voyait pas la chance qu'elle avait à 18 ans.

L’éveil d’une pécheresse  en bonne et due forme L’éveil d’une pécheresse en bonne et due forme

Ce récit témoigne de l'influence de la religion sur une période de vie précise. Il raconte la lourdeur et l'inconfort et comment les jeux des enfants offrent souvent une porte de sortie devenant une issue de secours. 

Grande tante Lucie Grande tante Lucie

Morcelée par le passage des années, l'ardeur renaît chez Grande Tante Lucie alors qu'elle prodigue des soins aux pensionnaires du Centre de l'Éveil. Passionnée de médecine et de couture, elle tissera la courte-pointe de ses talents en passant d'une aiguille à l'autre.

Ébréchée (extrait) Ébréchée (extrait)

Pièce en chantier se déroulant principalement aux Territoires du Nord-Ouest. Les temporalités confondues illuminent les liens entre l'obsession du trouble obsessif compulsif, la charge mentale, et la nature comme agent de libération. 

Réparer le monde Réparer le monde

Dans un petit village isolé de la côte Nord-Ouest du Pacifique, une femme mûre venue de très loin transmet le récit de son peuple qui lutte avec courage contre la tyrannie de ses dirigeants. 

« Allez, enseignez toutes les nations » « Allez, enseignez toutes les nations »

Si les faits historiques de ce monologue sont réels, la narratrice est fictive. Religieuse centenaire, elle fait un retour sur son rôle au sein des écoles résidentielles pour autochtones. 

La ferme La ferme

Premier prix dans la catégorie prose du CCLONC 2024

No content

A problem occurred while loading content.

Previous Next

  

Les artisans de ce numéro

Coordination de la publication :
Jeffrey Klassen

Comité de rédaction :

  • Marie-Diane Clarke
  • Tania Duclos
  • Mychèle Fortin
  • Lyne Gareau
  • Jeffrey Klassen
  • Jean-Pierre Picard

Auteur·e·s :

  • Serge Ben Nathan (C.-B.)
  • Joëlle Boily (C.-B.)
  • Marie Carrière (AB)
  • Louise Dandeneau (MB)
  • Mélanie Fossourier (C.-B.)
  • ioleda (YK)
  • Amélie Kenny Robichaud (YK)
  • J. R. Léveillé (MB)
  • Gaël Marchand (YK)
  • Zoong Nguyên (AB)
  • Seream (MB)
  • Michèle Smolkin (C.-B.)

 

Artiste invitée :
Virginie Hamel
virginiehamel.com

Mise en page et mise en ligne :
Jean-Pierre Picard

Merci à l’Association des auteur·e·s du Manitoba français qui a piloté l’organisation du Concours de création littéraire de l’Ouest et du Nord canadiens (CCLONC).

La revue À ciel ouvert est publiée et diffusée par :

Coopérative des publications fransaskoises

en partenariat avec

Collectif d'études partenariats de la FransaskoisieRegroupement des écrivains·e·s du Nord et de l'Ouest canadiens


Merci à nos commanditaires:

    Conseil culturel fransaskois   Saskculture Fondation fransaskoiseGouvernement du Canada