Horizons

Chronique littéraire publiée dans l'Eau vive

Les jeunes anglophones et francophones n’apprennent pas la même histoire

Les jeunes anglophones et francophones n’apprennent pas la même histoire

Une «note en bas de page» est le sort réservé à l’histoire francophone en milieu minoritaire dans le curriculum anglophone de certaines provinces. Même s’ils vivent dans les mêmes quartiers, les jeunes francophones et anglophones n’apprennent pas toujours la même version de l’histoire canadienne.

«La question de la francophonie est reléguée à une ou deux notes en bas de page dans le curriculum anglophone», illustre la professeure agrégée de science politique au Collège militaire royal du Canada, Stéphanie Chouinard.

Celle-ci effectue présentement, avec la professeure adjointe d’études politiques de l’Université d’Ottawa Jennifer Wallner, une comparaison des curriculums francophone et anglophone d’histoire de l’Ontario.

«Par exemple, le Règlement 17, c’est une évidence pour les Franco-Ontariens que c’est un moment fort de l’identité franco-ontarienne, dit Stéphanie Chouinard. Chez les jeunes anglophones en Ontario, le Règlement 17 est une note en bas de page. On n’en parle presque pas.»

Les résultats de l’analyse sont pour le moment préliminaires, mais Stéphanie Chouinard remarque déjà qu’«au sortir des écoles ontariennes, les Franco-Ontariens et les Anglo-Ontariens ont une vision diamétralement différente de ce que ça veut dire d’être Ontarien».

Selon elle, cette différence pose des «questions sérieuses» sur la perception qu’ont ces groupes linguistiques les uns des autres, ainsi que sur la compréhension qu’ont les anglophones lorsque leurs voisins francophones descendent dans la rue pour manifester.

Aucune obligation

Marie-Hélène Brunet, professeure agrégée de didactique des sciences humaines et sociales à l’Université d’Ottawa, et Raphaël Gani, professeur adjoint à la Faculté des sciences de l’éducation à l’Université Laval, ont comparé les curriculums francophone et anglophone en histoire pour les élèves de la 10e année de l’Ontario.

Résultat : la francophonie est absente des attentes dans le curriculum anglophone. La francophonie, en particulier ontarienne, est pourtant bien présente dans les attentes du curriculum en français.

Comme l’expliquent les chercheurs, les attentes sont «obligatoires» et «évaluées chez l’élève». La francophonie a beau se trouver ailleurs dans le programme en anglais, rien n’oblige le personnel enseignant à aborder le sujet.

Environ 80 % des deux curriculums est du contenu partagé, estiment les chercheurs. Les 20 % restant figurent surtout dans les attentes. 

Si les attentes contenues dans le programme anglophone restent muettes sur la perspective francophone, il existe une exception : «quand on parle des Québécois».

La francophonie réduite au Québec

Aux yeux des anglophones, la francophonie se résume souvent à la Belle Province et à son histoire, explique le duo de chercheurs. «Le Québec va généralement aussi être présenté comme homogène et comme présentant une seule pensée : les séparatistes», ajoute Marie-Hélène Brunet.

Raphaël Gani a étudié le phénomène en Alberta, où le curriculum est le même en anglais et en français. Des francophones et des Autochtones ont participé à sa conception. «Ça a fait son œuvre», dit-il.

Car, lorsqu’une réforme entamée en 2019 par le gouvernement albertain de Jason Kenney menaçait de retirer des perspectives francophones, il y a eu des contestations, se rappelle Raphaël Gani.

Mais rien n’est parfait. Enseignées en anglais, les perspectives francophones sont souvent réduites au Québec, remarque le chercheur. «On parle de la Constitution? Ben, c’est la nuit des longs couteaux, c’est René Lévesque», donne-t-il en exemple. «Peu sur la francophonie hors Québec.»

«Les enseignants font des choix»

«Ce qu’il y a dans le programme, ce n’est pas forcément ce qui est enseigné en classe», reconnait Raphaël Gani. Les enseignantes ont, pour tout dire, une certaine marge de manœuvre.

Imprimer
150 Noter cet article:
Pas de note

Marianne Dépelteau – FrancopresseGhita Hanane

Autres textes par Marianne Dépelteau – Francopresse
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x

Titres

RSS
Première123457910