À ciel ouvert 12 — Printemps / Été 2024

Errements

Hélène Ouedraogo (Saskatchewan)

Aurore, ma grand-mère - Nicole Dextras

Aurore, ma grand-mère - Nicole Dextras

Lettres en glace, 2008

J’appelle à la vie

J’appelle à l’espoir

Je me confie dans l’espérance.

Où est passée l’humanité pendant que mon peuple se meurt?

Où sont les elfes, les ancêtres, les fées et le grand chaman?

Le bison des plaines et l’éléphant d’Afrique ne sont-ils pas des cousins?

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en peine.

 

Oui, il est en peine de la souffrance de mon peuple

Oui, il est en peine de la souffrance de ton peuple

Je prendrai à témoin les mânes ancestraux

Je prendrai à témoin, le Grand Manitou

Je visiterai les traités et les accords

L’histoire est victime de violences.

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en berne.

 

Nous sommes frères, mon frère

Nous sommes sœurs, ma sœur.

Abreuvé d’une source une, enfants d’une même mère

L’âme est en peine.

L’autochtone et l’indigène ont le même soleil.

Pas celui des indépendances, car Wendé n’est pas obligé.

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en peine.

 

À petit feu le peuple refroidi voit son corps raidir.

Le Calumet s’est éteint, le chalumeau aussi

La forge a perdu ses rougeurs

L’enfant manque de pain, et la patrie d’eau.

La maladie ravage, le monde s’effondre

La terre est muette, plus de bise du matin.

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en berne.

 

Les aïeuls tourmentés, lancent des ouihhhhh.

Plus de paix dans l’au-delà, les étoiles se terrent dans le couvercle noir.

Sortez justiciers, réveille-toi crucifié

Hommes des tipis, hommes des cases, silence et force sont ta détresse

Ce silence gris déchiqueté par l’oppression,

Dégage l’odeur nauséabonde de la douleur

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en peine.

 

J’entends des cris se noyer dans les dunes

J’entends des cris flottant dans le silence bleu

J’entends la vie s’envoler dans les tréfonds des ondes pures

J’entends encore le silence des petites chaussures dans le grand blanc

Les soupirs migratoires de mon cœur sans cesse halètent

L’amélanche éclot bruissant d’amertume.

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en berne.

 

Personne ne fait le bien, pas même un seul

Il ne s’est trouvé ni héros, ni un Riel,

Il ne s’est trouvé ni Sankara, ni Yennega

Il ne s’est même pas trouvé

Une dent de Lumumba

Réveille-toi, mon frère, relève la tête.

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en peine.

 

Le dénouement vient et l’espérance aussi

Malheureux, douloureux, battus de la tempête et du verglas,

 Ne promène pas des regards inquiets

La renaissance se trouve dans les plaines,

La renaissance se trouve dans le désert, le sable terre du désert

Demain est un autre jour.

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en berne.

 

 

Nous les retrouverons, nous les rassemblerons

Tous ces perdus de la forêt, du désert et de la Méditerranée

Et la voix multicolore et gaie de tes enfants retentira dans la forêt au milieu de la forêt de pins et de sapins.

Les enfants de ma mère seront vomis du grand abime bleu

Les enfants de mon père resteront dans la case jaunie de fumée

Le battement du bendré vibrera dans nos cœurs

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en peine.

 

Les cris de tous ces serpents qui angoissent sifflent,

ton peuple est mon peuple, ton Dieu est mon Dieu.

La douleur est commune

Où achèterons-nous la paix?

L’ennemi fait rage, son glaive est aiguisé.

Pleure mon sort, pour toi je dirai des complaintes

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en berne.

Nous réunirons nos enfants, nous chanterons la paix, nous rachèterons un peu de liberté

Et ils y reposeront leurs âmes

Et leurs âmes aux tourments indicibles trouveront peut-être le repos.

Le lit inconnu des glaïeuls et les draps rougis par les coquelicots sont prêts.

Il est temps de danser la danse de l’amertume

Prenons des forces, je tiens notre plume.

Car boréale est l’aurore du crépuscule.

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en peine.

 

le crépuscule de la douleur un jour naitra

À chaque printemps nous fumerons le calumet

À l’ombre du grand baobab, nos sens de sauge apaisée

Demain naitra dans nos cœurs le soleil de l’espoir et de la gloire

Lorsqu’à l’aube le cocorico du coq tu entendras,

Souviens-toi de mon merci;

Je déposerai mon bark zamen devant ta porte.

 

C’est pourquoi dès l’aube

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en peine.

Hélène Ouedraogo

Hélène Ouedraogo

Hélène Daross Ouédraogo est Fransaskoise d’origine burkinabè (Pays des hommes Intègres). Elle a complété en 2024 un doctorat en littérature africaine à l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou. Son écriture s’inspire de réalités féminines et sociales. Elle évoque des pans de vie, des émotions cathartiques et la force du dialogue entre les peuples. Son premier recueil de nouvelles, La Trilogie de l’Enrhumée enturbannée (1996) est à sa seconde édition. Le recueil de poèmes Mots de Moi et Émois est présentement sur les presses de même qu’un récit de vie. Elle participe régulièrement à des activités de création en Saskatchewan francophone.

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RAFA-ACO-10-2023
125 ans de francophonie au Yukon
Le secret de Luca

Créations

La Factory La Factory

Autofiction. Trois Franco-Manitobains visitent la Factory d'Andy Warhol à New York en 1973.

Chouette Chouette

Une jeune femme tente de se situer dans son environnement. La géographie de son histoire la pousse à explorer les confins de son humanité. Sur la carte de son existence, elle découvrira une bestialité insoupçonnée et libératrice. 

La géographie des chances La géographie des chances

Un poème sur l'opposition ancestrale du nomade et du sédentaire. Nomadisme et sédentarité du corps et de l'esprit. Passion et symbolique de la carte, ses diverses sémantiques, puis son anagramme, liée au mouvement. Recherche des racines de l'auteur, regard sur ses nombreux voyages, dont celui de l'écriture. 
 

Le sanctuaire Le sanctuaire

A la pointe extrême du continent, au bord du Pacifique, dans un écrin de verdure, se cache un petit village dénommé Klahamin (le sanctuaire). Malgré son nom rassurant, et son décor ensorcelant, c'est le lieu de plusieurs catastrophes. Depuis l'époque de la ruée vers l'or, jusqu'à nos jours, en passant par le règne du Flower Power, ses habitants successifs n'ont pas eu de chance. La narratrice et son amoureux non plus. 

je me cache je me cache

Un poème écrit pendant la pandémie, pendant une période où des pensées sombres m'envahissaient, où je cherchais ma place. Texte encore pertinent aujourd'hui.
 

Géographie personnelle Géographie personnelle

Ce texte rend hommage à mon pays d’accueil pour tout ce qu’il m’a donné depuis mon arrivée. Les cartes aériennes sont devenues ma passion, puis les cartes de toute nature. 
 

Le peuple du train Le peuple du train

Récit d’un voyage en train à travers le Canada où les rencontres avec les passagers, le défilement des paysages et les arrêts en gare se fondent en un voyage intemporel.
 

D’une toundra à une autre D’une toundra à une autre

Ce texte évoque les défis qui nous habitent lorsque l'on vit dans les zones reculées et souvent inhospitalières du Nord. Sans la connexion à la nature, l'importance de la communauté et la confrontation avec soi-même, il serait difficile d'y vivre et d'y prospérer.  J'ai tenté de capturer la dualité de ces lieux extrêmes, où la beauté et la fragilité se mêlent dans un équilibre délicat.

L’endroit idéal pour grandir L’endroit idéal pour grandir

Un beau souvenir de la tendre enfance que j’ai vécue au Viêt Nam entourée de mes quatre grands-parents paternels et maternels. 

Lettres du chemin (extrait) Lettres du chemin (extrait)

Lettres du chemin s’alimente de deux éléments : la réalisation d’un pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle, via le Camino Francés, et un abécédaire de termes scientifiques et leurs définitions préparé par Evan Taylor-Fontaine. Les poèmes de Marie Carrière, parcourent des soucis écologiques aux confluents de l’expérience du tourisme, de la consommation, de la laïcité, du temps et du langage scientifique en poésie. 

Micronouvelles Micronouvelles

Pour rendre hommage à notre ami et collègue Ian, décédé le 1er février 2024, nous vous offrons ces micronouvelles provenant de son livre Contes bleus à encre économe publié aux Éditions de la nouvelle plume

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À ciel ouvert numéro 12

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Bonne lecture!


 

Les artisans de ce numéro

Coordination de la publication :
Jeffrey Klassen

Comité de rédaction :

  • Marie-Diane Clarke
  • Tania Duclos
  • Mychèle Fortin
  • Lyne Gareau
  • Jeffrey Klassen
  • Jean-Pierre Picard

Auteur·e·s :

  • Serge Ben Nathan (C.-B.)
  • Joëlle Boily (C.-B.)
  • Marie Carrière (AB)
  • Louise Dandeneau (MB)
  • Mélanie Fossourier (C.-B.)
  • ioleda (YK)
  • Amélie Kenny Robichaud (YK)
  • J. R. Léveillé (MB)
  • Gaël Marchand (YK)
  • Zoong Nguyên (AB)
  • Seream (MB)
  • Michèle Smolkin (C.-B.)

 

Artiste invitée :
Virginie Hamel
virginiehamel.com

Mise en page et mise en ligne :
Jean-Pierre Picard

Merci à l’Association des auteur·e·s du Manitoba français qui a piloté l’organisation du Concours de création littéraire de l’Ouest et du Nord canadiens (CCLONC).

La revue À ciel ouvert est publiée et diffusée par :

Coopérative des publications fransaskoises

en partenariat avec

Collectif d'études partenariats de la FransaskoisieRegroupement des écrivains·e·s du Nord et de l'Ouest canadiens


Merci à nos commanditaires:

    Conseil culturel fransaskois   Saskculture Fondation fransaskoiseGouvernement du Canada