À ciel ouvert 11 — Automne 2023 / hiver 2024

Errements

Hélène Ouedraogo (Saskatchewan)

Aurore, ma grand-mère - Nicole Dextras

Aurore, ma grand-mère - Nicole Dextras

Lettres en glace, 2008

J’appelle à la vie

J’appelle à l’espoir

Je me confie dans l’espérance.

Où est passée l’humanité pendant que mon peuple se meurt?

Où sont les elfes, les ancêtres, les fées et le grand chaman?

Le bison des plaines et l’éléphant d’Afrique ne sont-ils pas des cousins?

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en peine.

 

Oui, il est en peine de la souffrance de mon peuple

Oui, il est en peine de la souffrance de ton peuple

Je prendrai à témoin les mânes ancestraux

Je prendrai à témoin, le Grand Manitou

Je visiterai les traités et les accords

L’histoire est victime de violences.

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en berne.

 

Nous sommes frères, mon frère

Nous sommes sœurs, ma sœur.

Abreuvé d’une source une, enfants d’une même mère

L’âme est en peine.

L’autochtone et l’indigène ont le même soleil.

Pas celui des indépendances, car Wendé n’est pas obligé.

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en peine.

 

À petit feu le peuple refroidi voit son corps raidir.

Le Calumet s’est éteint, le chalumeau aussi

La forge a perdu ses rougeurs

L’enfant manque de pain, et la patrie d’eau.

La maladie ravage, le monde s’effondre

La terre est muette, plus de bise du matin.

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en berne.

 

Les aïeuls tourmentés, lancent des ouihhhhh.

Plus de paix dans l’au-delà, les étoiles se terrent dans le couvercle noir.

Sortez justiciers, réveille-toi crucifié

Hommes des tipis, hommes des cases, silence et force sont ta détresse

Ce silence gris déchiqueté par l’oppression,

Dégage l’odeur nauséabonde de la douleur

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en peine.

 

J’entends des cris se noyer dans les dunes

J’entends des cris flottant dans le silence bleu

J’entends la vie s’envoler dans les tréfonds des ondes pures

J’entends encore le silence des petites chaussures dans le grand blanc

Les soupirs migratoires de mon cœur sans cesse halètent

L’amélanche éclot bruissant d’amertume.

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en berne.

 

Personne ne fait le bien, pas même un seul

Il ne s’est trouvé ni héros, ni un Riel,

Il ne s’est trouvé ni Sankara, ni Yennega

Il ne s’est même pas trouvé

Une dent de Lumumba

Réveille-toi, mon frère, relève la tête.

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en peine.

 

Le dénouement vient et l’espérance aussi

Malheureux, douloureux, battus de la tempête et du verglas,

 Ne promène pas des regards inquiets

La renaissance se trouve dans les plaines,

La renaissance se trouve dans le désert, le sable terre du désert

Demain est un autre jour.

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en berne.

 

 

Nous les retrouverons, nous les rassemblerons

Tous ces perdus de la forêt, du désert et de la Méditerranée

Et la voix multicolore et gaie de tes enfants retentira dans la forêt au milieu de la forêt de pins et de sapins.

Les enfants de ma mère seront vomis du grand abime bleu

Les enfants de mon père resteront dans la case jaunie de fumée

Le battement du bendré vibrera dans nos cœurs

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en peine.

 

Les cris de tous ces serpents qui angoissent sifflent,

ton peuple est mon peuple, ton Dieu est mon Dieu.

La douleur est commune

Où achèterons-nous la paix?

L’ennemi fait rage, son glaive est aiguisé.

Pleure mon sort, pour toi je dirai des complaintes

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en berne.

Nous réunirons nos enfants, nous chanterons la paix, nous rachèterons un peu de liberté

Et ils y reposeront leurs âmes

Et leurs âmes aux tourments indicibles trouveront peut-être le repos.

Le lit inconnu des glaïeuls et les draps rougis par les coquelicots sont prêts.

Il est temps de danser la danse de l’amertume

Prenons des forces, je tiens notre plume.

Car boréale est l’aurore du crépuscule.

 

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en peine.

 

le crépuscule de la douleur un jour naitra

À chaque printemps nous fumerons le calumet

À l’ombre du grand baobab, nos sens de sauge apaisée

Demain naitra dans nos cœurs le soleil de l’espoir et de la gloire

Lorsqu’à l’aube le cocorico du coq tu entendras,

Souviens-toi de mon merci;

Je déposerai mon bark zamen devant ta porte.

 

C’est pourquoi dès l’aube

J’irai par les monts, j’irai par les plaines,

Au travers de la savane ensablée, je passerai

J’atteindrai Qu’Appelle Valley, et ma voix éteinte soufflera

Mon peuple souffre et mon âme est en peine.

Hélène Ouedraogo

Hélène Ouedraogo

Hélène Daross Ouédraogo est Fransaskoise d’origine burkinabè (Pays des hommes Intègres). Elle a complété en 2024 un doctorat en littérature africaine à l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou. Son écriture s’inspire de réalités féminines et sociales. Elle évoque des pans de vie, des émotions cathartiques et la force du dialogue entre les peuples. Son premier recueil de nouvelles, La Trilogie de l’Enrhumée enturbannée (1996) est à sa seconde édition. Le recueil de poèmes Mots de Moi et Émois est présentement sur les presses de même qu’un récit de vie. Elle participe régulièrement à des activités de création en Saskatchewan francophone.

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Le secret de Luca
RAFA-ACO-10-2023
125 ans de francophonie au Yukon

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Créations

Textes lauréats du CCLONC 2024 Textes lauréats du CCLONC 2024

À ciel ouvert a le plaisir de vous offrir les textes primés lors de la 2e édition du  Concours de création littéraire de l’Ouest et du Nord canadiens dont le thème était Déchirures(s).

L’improbable rédemption du poète L’improbable rédemption du poète

Courte nouvelle d'une jeune autrice en résidence d'écriture qui fait la rencontre d'un de ses futurs personnages pour se rendre compte qu'il est aussi le personnage d'un autre auteur à une autre époque, Pierre Lardon, qui a des crimes à faire pardonner. 

Bref, la fuite Bref, la fuite

Dans ce récit disloqué, les pensées humanistes d’une physicienne forcée de quitter son pays la soutiennent jusqu’au bout de la fuite.

depuis la garde du matin depuis la garde du matin

Troisième extrait sous un 3e titre d'un recueil en construction. Journal poétique inspiré du Livre des Psaumes en haïkus/haïbuns. Comment faire l'expérience du Psautier par le moyen de la poésie contemporaine.

Arc-en-noir Arc-en-noir

Une relance contemporaine du style Beatnik, le poème Arc-en-noir donne voix aux désirs, pensées non-filtré et conflits interne d'un homme indigiqueer du Manitoba.

Séjour dans le désert Séjour dans le désert

Extrait du roman en chantier Jésus de Nicolet. Le narrateur, Jésus de Nicolet, raconte les souvenirs de ses vies antérieures, dont celle de Jésus de Nazareth, à son voisin de siège lors d’un voyage en train de Toronto à Vancouver. 

Mon corps pour tout royaume Mon corps pour tout royaume

Récit poétique de la quête d'une femme afrodescendante dans un processus de décolonisation du corps et de l'esprit. Ses pas la mènent sur les terres méconnues du Nord canadien. Lorsqu'on est née d'exil, on a le corps pour tout royaume.

Scènes de métro Scènes de métro

Réflexions inspirées par des moments vécus dans diverses stations de métro montréalaises. 

Un village détruit Un village détruit

Représentation imaginaire et poétique de la destruction du village métis de Sainte-Madeleine au Manitoba dont il ne reste que le cimetière. Aucun chemin ne s'y rend et il faut passer par un paturage communautaire très peu carossable pour le rejoindre. 

Viande hachée, à feu moyen Viande hachée, à feu moyen

Une femme célibataire et solitaire prépare un repas spécial à l'occasion du retour d'une ancienne flamme. Le processus la mène à réfléchir à ses habitudes, ses besoins et ses désirs.

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À ciel ouvert numéro 11

Téléchargez gratuitement la version PDF du numéro 11 d'À ciel ouvert.

Bonne lecture!


 

Les artisans de ce numéro

Coordination de la publication :
Jeffrey Klassen

Comité de rédaction :

  • Madeleine Blais-Dahlem
  • Marie-Diane Clarke
  • Tania Duclos
  • Mychèle Fortin
  • Lyne Gareau
  • Jeffrey Klassen
  • Jean-Pierre Picard

Auteur·e·s :

  • Émanuel Dubbeldam
  • Mychèle Fortin
  • Margot Joli
  • Murielle Jassinthe
  • Jean-Pierre Picard
  • Eric Plamondon
  • Laurent Poliquin
  • Sébastien Rock
  • Gisèle Villeneuve

Artiste invité :
Michel Saint Hilaire

Mise en page et mise en ligne :
Jean-Pierre Picard

Merci à l’Association des auteur·e·s du Manitoba français qui a piloté l’organisation du Concours de création littéraire de l’Ouest et du Nord canadiens (CCLONC).

La revue À ciel ouvert est publiée et diffusée par :

Coopérative des publications fransaskoises

en partenariat avec

Collectif d'études partenariats de la Fransaskoisie Regroupement des écrivains·e·s du Nord et de l'Ouest canadiens


Merci à nos commanditaires:

    Conseil culturel fransaskois   Saskculture Fondation fransaskoiseGouvernement du Canada