Actualité littéraire

Maison de la francophonie : un grand projet, de grandes questions

La Maison de la francophonie, dont les locaux convoités ont été dévoilés il y a quelques semaines, constitue un projet ambitieux avec la vocation d’offrir un toit rassembleur à plusieurs organismes fransaskois dans la capitale. Mais plusieurs voix s’élèvent dans la communauté pour faire valoir leurs doutes.

C’est lors du dernier Rendez-vous fransaskois, du 7 au 9 novembre, que plusieurs participants ont pu découvrir l’établissement envisagé pour accueillir la future Maison de la francophonie.

Le grand bâtiment de 5 000 mètres carrés a été présenté par Alexandre Chartier, directeur de la Société historique de la Saskatchewan (SHS), principal instigateur du projet.

Pour Roger Lepage, avocat bien connu de la communauté, notamment pour avoir défendu les droits des francophones, le projet n’est ni nécessaire ni réaliste.

« Je reconnais qu'il y a eu beaucoup de travail pour faire avancer cette idée, mais au bout de la ligne, je ne suis pas convaincu que ce projet soit nécessaire ou même viable économiquement », avance-t-il.

Le Fransaskois a déjà fait part de ses préoccupations lors du Rendez-vous fransaskois, ainsi qu’auprès du Comité consultatif des infrastructures de la Maison de la francophonie.

Plusieurs arguments

L’homme de loi estime que le Pavillon secondaire des Quatre-Vents à Regina fait déjà office de centre communautaire suffisant.

« On a dépensé au-delà de 21 millions de dollars sur ce centre. Il faudrait me convaincre qu’il ne répond plus aux besoins. Ça fait 11 ans depuis sa construction, comment ça se fait que maintenant ça ne fonctionne pas ? »

Pour lui, « les écoles sont les institutions clés dans une minorité pour transmettre la langue, la culture et l’identité ».

Par ailleurs, l’avocat conteste la logique d’acheter un vieux bâtiment situé au centre-ville de Regina.

Plusieurs problèmes pourraient se poser selon lui : la sécurité, le stationnement, le taux d’imposition élevé, ou encore le manque d’engagement social et de la population francophone dans le secteur.

Enfin, le spécialiste des causes philanthropiques pense que le soutien financier de la communauté fransaskoise, requise dans le projet, est limité.

« On cogne déjà à la porte des philanthropes trois fois par année. On est une petite population. Il y a très peu de francophones qui ont les moyens de le faire. Il ne faut pas qu’on aille en compétition les uns contre les autres. »

Un manque de consultation

D’autres membres de la communauté regrettent d’être mal informés. À l’instar de Gilles Groleau qui a eu vent du projet au détour d’un café entre amis.

« Un sondage a été envoyé seulement aux organismes fransaskois et ça ne reflète pas nécessairement la volonté de toute la population fransaskoise », défend-il.

Le conseiller pédagogique à la retraite a exploré le site web de la Maison de la francophonie, sans trouver toutes les réponses à ses questions.

« On parle d'avoir un lieu de rassemblement. OK, mais on rassemble quoi au juste ? Les associations francophones sont déjà sous le même toit. »

Quant au rassemblement du public : « Ça, c'est la question primordiale. C’est une question existentielle parce que raviver une population ou une communauté, ça prend plus qu’un nouveau lieu. »

D’autres Fransaskois partagent ce sentiment. L’un d’entre eux, qui a préféré rester anonyme, réclame un plan d’affaires ou un montage financier.

« Comme se faire une idée sans analyse des chiffres liés au coût d’achat du bâtiment, aux rénovations, aux opérations et aux revenus ? » questionne-t-il.

Le résident de Regina s’inquiète : « Il ne faudrait pas que ça devienne un fardeau financier pour l’ensemble de la communauté. »

D’autres, enfin, préféreraient qu’un nouveau centre communautaire soit implanté en milieu rural plutôt que dans la capitale.

Une réponse partielle

Face aux questionnements, Alexandre Chartier et Karine Silva, deux pilotes du projet, ont publié un communiqué le 20 novembre.

Selon eux, « certaines informations n’ont pas pu être partagées plus tôt en raison d’obligations de non-divulgation ».

Bien qu’ils indiquent « qu’il est important que les membres des organisations impliquées dans le projet soient mieux informés », les renseignements restent minimes.

« À ce stade-ci, il est trop tôt pour présenter des chiffres publics puisque les négociations avec le vendeur du bâtiment sont toujours en cours », estiment les gestionnaires du projet.

Ils répondent tout de même au questionnement entourant le choix de l’emplacement du bâtiment.

« Afin d’assurer la réalisation de la mission provinciale du projet et de répondre aux besoins exprimés, il n’est malheureusement pas envisageable d’implanter la Maison en zone rurale. »

« L’accessibilité constitue un critère essentiel : la présence de transports en commun, la proximité des services, la circulation des jeunes et des familles, l’accueil des nouveaux arrivants ainsi que la mobilité des personnes aînées en dépendent directement », ajoutent-ils.

Et de conclure : « Une implantation en milieu urbain demeure indispensable. »

Enfin, les co-chefs du projet se veulent rassurants : « De nombreuses études de marché ont été menées. Nous avons analysé les modèles présents au Canada, identifié les meilleures pratiques, évalué les risques et interrogé 15 autres Centres et Maisons de la francophonie au pays afin d’en comprendre la gouvernance et les mécanismes de fonctionnement. »

Les gestionnaires s’engagent à faire parvenir prochainement un avis plus complet aux organismes dont les membres seront invités à poser leurs questions. Nul doute que ces informations seront étudiées de près.

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