Numéro 1 - Printemps 2017

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Scènes de métro


Scènes de métro

Mychèle Fortin (Saskatchewan)

Michel Saint-Hilaire — Lumières

Michel Saint-Hilaire — Lumières

Peinture acrylique sur toile, 20 par 40 pouces, 2018

I – Quand il y avait encore des cabines téléphoniques

Métro Berri

Vendredi soir tard

Avez-vous de la monnaie, madame?

Il est tout seul, il est beau

Quatorze ans, quinze à tout casser

Ta mère sait où tu es?

Il me regarde, interloqué

Je te donne des sous pour l’appeler

Après je t’en donne un peu pour toi

Il prend l’argent et téléphone

Quelque part une mère répond

Quelque part une mère est rassurée

C’est fou tous ces grands enfants qui 

Traînent dans les stations de métro

II – Quand il n’y avait plus de cabines téléphoniques

Métro Charlevoix

Late on another Friday night

Riding up the escalator

Voices loud and young coming from above

The escalator stops. Laughter.

I see two girls and three boys

They’ve pushed the STOP button

They are five

Yet they are so alone

“Nothing better to do on a Friday night?

Sad, so sad”.

Was sure they’d tell me to fuck off

But they fell oh so silent

Is it a sign of the times, all the weary and lonely teenagers

Hanging out in metro stations?

III – Réflexion vestimentaire

Métro Beaubien, tôt un froid matin

Il n’y a personne

Arrivent deux très jeunes femmes

La première est vêtue d’un hijab et d’une abaya

Ce long manteau ample que portent des femmes musulmanes

La seconde est vêtue d’une mini mini-jupe

D’un chemisier trop serré et trop mince pour la saison

Elle est juchée sur de hauts talons

La première dégage une impression d’assurance

La seconde bouge sans arrêt, mal à l’aise

Tire le bas de sa jupe, tire le bas de son chemisier

Grelotte sur ses talons hauts

Le calme de l’une 

La nervosité de l’autre

La force de l’une

La vulnérabilité de l’autre

Laquelle est la plus libre?

Je me dis que si j’avais une fille

La première me rassurerait

La deuxième m’inquièterait

Certes, je ne deviendrai pas musulmane

Et j’ai passé l’âge des mini-jupes

Mais plus jamais je ne regarderai le hijab d’un œil condescendant.

IV – Petit bonheur montréalais

Métro Peel, un matin d’été

On est samedi, il fait beau

Je sors de la station de métro 

Le centre-ville est désert

Au loin, de la musique, des notes de piano

Je suis les notes

Jusqu’à l’intersection McGill-Sainte Catherine

Il y a là un homme qui chante en s’accompagnant au piano

Il chante « Hallelujah » de Leonard Cohen

La voix est superbe, on en oublie

l’accompagnement médiocre

Je souris au musicien

Il me sourit à son tour

Je cherche du regard où laisser des sous

Il me dit qu’il fait ça pour le plaisir

Pas pour les sous

Je pense aux moules que je vais déguster plus tard

à la Moulerie d’Outremont

Je pense qu’à ce moment

J’aime Montréal

V – Petite tristesse montréalaise

Métro Place des Arts

Tard

Je suis pressée, affamée, fatiguée

Le dépanneur est fermé

Il n’y a personne

Enfin, presque personne

Assise sur un sac de couchage sale

Pas très loin du guichet

Une femme sans âge

Une Autochtone encore belle

On voit de plus en plus de femmes autochtones

Sans abri

Pourquoi échouent-elles ici?

Je m’approche

Lui donne un peu d’argent

Elle me sourit

J’aimerais lui parler

Je ne sais pas quoi dire

A-t-elle peur?

Je la quitte, la honte au cœur

Pour aller prendre le dernier métro

Je pense qu’à ce moment

Je n’aime pas Montréal

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Printemps 2017

Un jour de grand vent (extrait) Un jour de grand vent (extrait)

Mardi le 10 mai ’66. De bonne heure le matin, au Restaurant Lafontaine à Métabetchouan au Lac-Saint-Jean. L’accent du Lac est présent à différents degrés chez les personnages. Il affecte en particulier Monsieur Pit, un sympathique septuagénaire à la retraite. Jeannot Lafontaine, douze ans, est debout derrière le comptoir. Il porte son uniforme d’écolier  sous un tablier. Monsieur Pit est assis à son...

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À défaut d'être aimé, Henri était respecté de tous les castors. Sa supériorité ne laissait aucun doute. On n'avait qu'à regarder son barrage pour comprendre qu'il était plus doué que les autres.

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Cantate pour légumes (Extrait)

Au cœur de ce texte sont quatre êtres qui ont perdu leur voix, la capacité d’exprimer leur volonté et leur angoisse. Ancrés dans leurs fauteuils roulants, Asperge, Gourde, Navet et Asperge rêvent d’évasion. Dans les solos de la cantate, les légumes expriment leurs désires les plus profonds.

Triptyque - Micro nouvelles Triptyque - Micro nouvelles

Au coin de l’avenue Idylwyld et la 23e un bip discontinu se fait entendre à ma gauche. Un clignotement sonore: on peut traverser.  Entre les deux lignes on peut traverser. “Passez, monsieur. Priorité aux piétons.” Oui, on peut traverser. On peut traverser si les autos s’arrêtent.

Entreciel

Sorties de l’entretoit des corniches des greniers de mille espaces connus d’elles seules oubliés par concierges et architectes, les hirondelles occupent dès le matin l’entreciel, la part élevée de Madrid, en rase-tête des habitants des terrasses jusqu’à la proximité des saints perchoirs, des croix des antennes, faisant fi de nos communications avec l’au-delà.

La mousse La mousse

Maman, pourquoi c’est mouillé ici? 

C’est la mousse, mon chéri. Fais attention à ne pas glisser.

De la supercherie De la supercherie

Cette réflexion est née d’un constat. La vie ne nous appartient pas. Elle nous a été léguée et nous la rendrons en même temps que notre dernier souffle.

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