Horizons

Chronique littéraire publiée dans l'Eau vive

Leanne Tremblay
/ Catégories: Arts et culture, Musique

Lauren Markewicz, la vielle à roue au cœur

Instrument mystérieux à la sonorité envoûtante, la vielle à roue fait partie de ces objets venus d’un autre temps qui fascinent encore aujourd’hui. Et pour Lauren Markewicz, historienne et passionnée de culture médiévale à Waskesiu, elle est devenue bien plus qu’un simple instrument : un lien tangible entre passé et présent.

Le 27 septembre dernier, dans les jardins du Musée des antiquités de Saskatoon, Lauren Markewicz a participé à son premier concert de musique médiévale.

Un an seulement après avoir commencé à apprendre la vielle à roue, elle a rejoint un groupe de musiciens pour interpréter des airs d’un autre âge : Pavane d’Angleterre, la Gavotte, les Bouffons, le Ronde… Une immersion sonore dans l’Europe du Moyen Âge.

« C’était magique, confie-t-elle. C’est la première fois que je jouais avec d’autres, dans une ambiance si fidèle à l’époque. »

Un instrument aux racines millénaires

Si la vielle à roue évoque spontanément les troubadours et les châteaux, ses origines remontent encore plus loin.

Les premières traces de cet instrument datent du 10e siècle. À l’époque, il servait d’accompagnement aux chants liturgiques dans les églises.

« Il existait alors une version bien plus grande, nécessitant deux musiciens : l’un tournait la manivelle, l’autre actionnait le clavier, explique la musicienne. C’était une alternative plus économique à l’orgue, utilisée dans les lieux de culte. »

Au fil des siècles, l’instrument s’est miniaturisé. Plus portable, il est sorti des églises pour gagner les places publiques.

Devenu compagnon des musiciens itinérants et des mendiants, la vielle à roue s’est alors associée aux classes populaires, à la musique de rue et aux danses villageoises.

Puis, au 18e siècle, l’instrument connaît un étonnant retour en grâce. Sous le règne de Louis XV, il s’invite à Versailles.

« Même la reine en jouait ! » s’amuse la mélomane. « À cette époque, de nombreuses compositions nouvelles voient le jour. Mais après la Révolution, la vielle retourne dans les campagnes, notamment en Auvergne et en Savoie. »

Des châteaux médiévaux à l’université

Historienne de formation, Lauren Markewicz travaille aujourd’hui pour Parcs Canada, au parc national de Prince Albert, où elle se consacre à l’histoire canadienne. Mais ses loisirs, eux, la transportent volontiers dans une autre époque.

Son goût pour le Moyen Âge s’est nourri de voyages : un séjour à Rouen, en France, où elle a enseigné l’anglais, et une visite marquante au Musée des instruments de musique de Bruxelles.

« C’est là que j’ai entendu pour la première fois le son d’une vielle à roue. Il m’a littéralement fascinée. Et ensuite, elle a commencé à me poursuivre ! Je l’entendais dans Black Sails, Vikings, Game of Thrones… »

Cette révélation l’a conduite, plusieurs années plus tard, à acheter sa propre vielle. Une démarche plus complexe qu’il n’y paraît.

« Il faut vraiment en vouloir une ! Il n’y a presque pas de luthiers en Amérique du Nord. La plupart sont en Europe, et fabriquent les instruments sur commande. Chaque vielle est unique. »

Un instrument au son singulier

La vielle à roue, ou hurdy-gurdy en anglais, produit un bourdon, un son continu qui lui confère son timbre hypnotique.

« C’est un instrument à cordes frottées, un peu comme un violon, mais au lieu d’un archet, c’est une roue qu’on fait tourner avec une manivelle. Un clavier permet d’appuyer sur les cordes pour créer des mélodies. »

Ce son puissant et persistant explique pourquoi la vielle se joue souvent seule, sans accompagnement.

« Elle est suffisamment forte pour faire danser une trentaine de personnes ! » rit la musicienne. « Moi, j’ai dû en acheter une petite, parce que je vis en appartement… »

Son répertoire, lui, oscille entre tradition et modernité. Si elle s’initie aux danses bretonnes comme l’An Dro, elle s’amuse aussi à interpréter des thèmes inspirés de la culture populaire, comme ceux du Seigneur des Anneaux ou de Game of Thrones.

Le parcours de la francophile s’inscrit dans une tendance plus large : celle du retour aux savoir-faire anciens.

Musique médiévale, artisanat, pain au levain… Autant de pratiques qui séduisent une génération en quête de sens.

« J’aime cette idée de renouer avec les origines, dit-elle. Dans un monde industrialisé, on oublie souvent les efforts derrière les objets. Comprendre leur fabrication, c’est mieux les apprécier. »

Pour elle, la vielle à roue est à la fois un défi musical, une passion historique et un geste d’ancrage dans le réel.

« Je ne rêve pas d’être musicienne professionnelle. Mais j’aimerais la faire découvrir aux autres. Et puis, il n’est jamais trop tard pour apprendre quelque chose de nouveau. »

Et, comme le montre son parcours, certaines passions, même millénaires, trouvent toujours un écho au présent.

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