Horizons

Chronique littéraire publiée dans l'Eau vive

Mychèle Fortin

Nuits blanches

Fenêtre ouverte sur le jardin de juin
Lumière de lune
La maison dort
et moi je fume
Je veille
J’attends
J’apprivoise le néant
J’ai tout mon temps

Froide et blanche nuit d’hiver
La neige dans la lumière des réverbères
Par la fenêtre qui donne sur la rue
On voit en bas le cinéma et les affiches
Où posent des filles nues
Je ne dors pas pour cause de bonheur
Je ne dors pas pour cause de plénitude
Je ne dors pas pour cause d’état de grâce      

Chambre d’un grand hôtel
Luxueusement anonyme
Fenêtres sur la ville
Fenêtres qui ne s’ouvrent pas
Mal à la tête
Un scotch, deux ou trois
Viendra, viendra pas
Mon corps veut, ma tête ne veut pas
Je le verrai sur le plateau
Ce sera bien assez tôt
Je m’assoupis, le jour se lève
On frappe
Mon cœur dort
Mon corps répond      

Chambre blanche
Du plancher au plafond
Le lit (blanc) immense
On s’y perd, on s’y égare, on s’y fond
Dans un coin le piano (noir)
s’est tu, il est tard
Ne dormirai pas, ne dormirai guère
Mon amant est retourné chez sa mère
Mon père dort au cimetière
Ne m’y fais pas, ne m’y fais guère

L’enfant dort
et moi je veille
Vais le voir, me penche,
Écoute son souffle
Regagne ma couche
et recommence encore
Dieu qu’il est beau
Dieu que j’ai peur
J’entends couler les heures

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