Les écrivain·e·s de l’Ouest et du Nord tissent leur toile
Mehdi Mehenni (La Liberté)
Bertrand Nayet
Directeur administratif de l’Association des auteur.e.s du Manitoba français et membre du Comité de mise en œuvre du projet RÉNOC.
Crédit : Marta Guerrero (La LIberté)
Des écrivain·e·s francophones de l’Ouest et du Nord se sont réunis le 11 mars dernier, par visioconférence, pour étudier les possibilités de se regrouper sous la même bannière. Le projet, qui se tisse en toile d’araignée depuis quelques années, avance doucement mais sûrement. Genèse et perspectives d’une initiative ambitieuse.
Le projet, porté par l’Association des auteur.e.s du Manitoba français (AAMF) vise à briser l’isolement des écrivain.e.s francophones évoluant en milieux minoritaires et en dehors du Québec. Ils formeraient alors le Regroupement des écrivain·e·s de l’Ouest et du Nord canadiens (RÉNOC)
Étaient présents à la rencontre 13 auteur.e.s représentant le Manitoba, la Saskatchewan, l’Alberta, la Colombie-Britannique et les Territoires du Nord-Ouest. Il s’agit de Madeleine Dahlem, Louise Dandeneau, Lyne Gareau, Roger Léveillé, Jeffrey Klassen, Michèle Smolkin, Hélène Flamand, Lise Gaboury-Diallo, Jean-Marie Michaud, Rokia Tamache, Gisèle Villeneuve, Marie-Diane Clarke, Karen Olsen, Jean-Pierre Picard, David Beaudemont, Bertrand Nayet et Charles Leblanc.
Le président du CA des Éditions du Blé, Bernard Léveillé, y a pris part à titre d’observateur car son organisme lance, en septembre 2023, une mission de consultation sur les moyens de renforcer la présence littéraire dans l’Ouest et le Nord canadiens. Un projet qui pourrait être complémentaire avec RÉNOC.
Alain Jean, engagé par l’AAMF à titre d’expert-conseil, a présenté son travail d’enquête et d’analyse qu’il a effectué depuis octobre 2022, auprès d’écrivain·e·s et d’organismes francophones des provinces de l’Ouest et dans les Territoires du Nord-Ouest. Sur 180 écrivains ciblés, il a obtenu 38 réponses.
L’expert-conseil dispose d’une solide expérience dans l’administration artistique, selon Bertrand Nayet, directeur administratif de l’AAMF et un des porte-parole du projet RÉNOC.
« Alain Jean a travaillé au Centre d’études d’arts dramatiques du Québec, au Théâtre La Seizième de Vancouver et il travaille, actuellement, au théâtre l’Escaouette à Moncton. Il a roulé sa bosse un peu partout au Canada et c’est pour cette raison que notre choix s’est porté sur lui », souligne-t-il.
Des ressources à mieux exploiter
La conclusion du rapport de l’expert était plutôt encourageante : des moyens et des ressources sont présents dans les différentes provinces et territoires. Ils pourraient, cependant, être mieux diffusés et utilisés s’il y avait un organisme rassembleur.
« Il y a des organismes et des conseils des arts qui peuvent aider les écrivains. Mais il manque une sorte de cohésion. Les ressources sont dispersées et les auteurs, isolés, ne savent pas où aller les chercher. Les besoins et les moyens sont différents aussi d’une région à une autre. Un tel projet peut rapprocher autant les potentiels humains que les ressources matérielles », explique Bertrand Nayet.
Les participants à la rencontre devaient alors adopter l’une des deux options présentées à l’ordre du jour.
La première consistait à créer une association et établir un réseau de diffusion littéraire dans l’ouest et le nord canadiens. La deuxième option portait sur la mise en place d’un comité qui se chargera de la mise en œuvre d’une stratégie de travail devant mener à la création d’une association.
Les participants ont fini par trancher en faveur de la seconde option, afin de mieux mûrir le projet. Bertrand Nayet, David Beaudemont, Lyne Gareau, Jean-Marie Michaud et Alain Jean ont été désignés pour mener le Comité de mise en œuvre.
« Il est vrai que créer une association peut faire un peu peur. Cela demande un certain engagement, surtout dans les premières années, avant que le cadre ne soit pérenne et stable », commente Bertrand Nayet.
Des atomes crochus
Le président du CA des Éditions du Blé comprend cette réticence. Pour lui, ce n’est pas chose facile de créer une association de cette envergure, du jour au lendemain.
« Il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’une initiative nationale. Le projet ambitionne de réunir quatre provinces en plus des Territoires du Nord-Ouest. Cela demande beaucoup de ressources et les gens sont fatigués. Ce sont toujours les mêmes personnes qui se portent volontaires et il y a aussi un besoin de relève. », fait remarquer Bernard Léveillé.
Les Éditions du Blé souhaitent, justement, aider et encourager les jeunes et futurs écrivains à intégrer un circuit bien organisé.
En recevant, en 2019, un financement de 76 000 $ de la part du Conseil des arts du Canada, la maison d’édition se préparait à lancer une mission de consultation sur les moyens de renforcer la présence littéraire dans l’ouest et le nord canadiens. L’avènement de la pandémie et les deux transitions opérées à la tête de cet organisme à but non lucratif ont retardé le lancement du projet.
Maintenant que les choses sont bien mises en place, les Éditions du Blé comptent lancer un appel à candidature d’ici le mois de juillet, pour recruter un chargé de mission qui devra sillonner, dès le mois de septembre, les provinces et les territoires ciblés.
« Nous allons travailler à établir où sont les libraires, les auteurs et les ressources pour la mise en place d’un réseau dans toute la région. Ce travail sera ensuite mis à la disposition de tous les acteurs et les organismes qui participent à la création littéraire et à l’épanouissement de la culture francophone dans les différentes provinces de l’Ouest et des Territoires du Nord-Ouest », affirme-t-il.
C’est en ce sens que Bernard Léveillé considère que le projet des Éditions du Blé a des atomes crochus avec celui de du RÉNOC. Il prévoit notamment de mettre les informations récoltées au service de l’AAMF.
Aux origines du projet
L’idée de la création du RÉNOC est venue à la suite d’une retraite d’écriture qui devait se tenir en 2019, à l’Abbaye St. Peter’s, sur initiative du Conseil culturel fransaskois (CCF).
Cette année-là, des écrivains fransaskois avaient demandé à ce que la rencontre soit élargie à des auteur.e.s de l’Ouest et du Nord.
La pandémie est cependant arrivée. La rencontre s’est alors transformée en une série de présentations par visioconférences.
« En mars 2021, huit rencontres ont été organisées. À chaque rencontre, une province ou un territoire présentait un certain nombre de ses auteur.e.s. Cela nous a permis de nous connaître entre écrivains et nous faire connaître par le public. Nous comptions une quarantaine de participants à chaque réunion », raconte Bertrand Nayet
Le Conseil culturel fransaskois, le Centre culturel franco-manitobain, le Regroupement artistique francophone de l’Alberta et le Centre culturel et artistique de la Colombie- Britannique ont aidé à prendre en charge les rencontres administrativement et à échanger les contacts et les informations.
Les réunions allaient donc créer une dynamique régionale. Un certain engouement pour d’autres rencontres s’est installé. C’est ainsi que quatre sessions de formation d’écriture ont été organisées entre le printemps et l’été 2022, au profit du public.
« Au fil des rencontres, nous commencions à nous demander si cela ne valait pas la peine de nous regrouper en une association.
« Les organismes culturels qui nous aident sont de bonne volonté, mais leur vocation première n’est pas la littérature. Ils n’ont pas forcément les ressources nécessaires. L’AAMF a accepté d’abriter la demande de subvention et le Conseil des arts du Canada nous a accordé 26 000 $ pour engager un expert-conseil et mener des consultations », fait-il savoir.
Même si les aides des organismes communautaires leurs sont précieuses, les écrivains porteurs du projet RÉNOC veulent, aujourd’hui, s’émanciper et voler par leurs propres ailes.
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