À ciel ouvert 10 - Printemps - été 2023

Amber O’Reilly (Manitoba)
/ Catégories: Textes

Millenial Jesus

Amber O’Reilly (Manitoba)

MACKASEY – Portrait-bouteilles-mémoire de mon fils Chevez à 15 ans

MACKASEY – Portrait-bouteilles-mémoire de mon fils Chevez à 15 ans

32’’ h x 35’’ l – Vitre, liquide coloré, adhésif et métal – 2017
Crédit de photo : Percy Paul

C’est-tu trop demander à la vie, une maison où je peux prendre un bain sans voir la moisissure s’infiltrer derrière la plomberie ? Un marché immobilier juste un peu plus clément?

Un homme juste un peu plus à ses affaires? Une job juste un peu moins crève-cœur?

Avis de recherche: une seule personne de notre âge, de cette génération perdue qui va bien. Une personne si follement amoureuse de sa vie qu’elle se rappelle même de se soucier de celle des autres. Quelqu’un de profondément heureux et doté d’un amour de soi sans bornes. Cesse de te cacher, pis dis-moi pas que tu veux pas être connu.

Moi, je veux te connaître pour me convaincre de l’irréfutable possibilité de ton existence. Que c’est possible, qu’on est pas forcément voués à une insatisfaction amère et chronique. À un abysse d’angoisse existentielle infinie.

Je veux te stalker et mettre le doigt sur ton point faible, que tu tombes à ton tour. Mais je veux surtout que tu deviennes méga-influenceur, que tu nous sauves le cul avec ta bonté et ta grâce. C’est toi, Millenial Jesus? Laisse-moi prouver que t’es du fake news, parce que c’est pas un hasard si aujourd’hui nos vies sont d’la marde (Amen, Lisa Leblanc). Peut-être qu’on aime ça de même. Après tout, c’est rendu plus romantique de chialer que de vivre. Pis nous, les bohèmes de rien, osti qu’on aime ça chialer.

regrette regratte

de ne pas t’avoir embrassé sous les couvertes
tandis que le navire percutait l’iceberg

de ne pas t’avoir nommé toutes les étoiles,
ta nuque sur mon ventre la nuit du lac gelé

de ne pas avoir ciselé la glace foncé droit au but
de ne pas avoir respiré le musc des chevaux depuis cet été-là
de ne pas avoir avalé une bouchée de vie avant de m’évanouir dans ce métro

ce t-shirt translucide trop moulé même si c’est toi
qui devrais regretter ton commentaire
d’être montée dans ton appart si aveugle à tes intentions

je regrette d’avoir quitté trop tôt
d’être restée trop tard
de ne pas t’avoir tout dit tout écrit
de ne pas t’avoir aimé comme tu le méritais
de ne pas t’avoir à mes côtés ni entre mes côtes

de tous mes regrets, je regrette de ne pas t’avoir eu

Pouls de bêtes

Dans mes rêves je peine à soigner 
tous les animaux à ma charge
ils souffrent d’une extrême négligence
leur pelage emmêlé, graisseux
leurs regards suppliants
à manger à boire à paître en liberté

il y a littéralement
trop de chats à fouetter
et je ne maîtrise pas ma violence

éprise d’une culpabilité frénétique 
qui remonte aux enterrements de poissons 
dans des bocaux vitrés sous la terre
déjà le cyclone hydrologique de la mort 
faisait scintiller trop de nageoires
je n’avais pas l’alchimie 
des aquariums dans le sang

Puis Esther
cobaye inespéré
course folle le tour de la grande épinette 
broutage de carottes, petites crottes
sciures de pin huit ans enfermé
et innocent

Jamaico
hamster Indiana Jones
il explorait la maison dans une bulle
de plastique, un petit nuage gris
une planète à l’orbite confuse

Toby
l’épagneul d’une pureté d’âme
il a rongé d’innombrables barrières
pour retrouver la chaleur de ses maîtres absents
sourd, aveugle, la peau enflammée
maïs soufflé et saumon avant que ses cendres
ne reposent dans une boîte sur l’étagère

Gerbille blanche et noire
retrouvée morte sans nom
rigor mortis dans sa cage
congelée dans une boîte de carton

ces animaux de compagnie auxquels je 
n’ai pas su tenir compagnie
reviennent en troupeaux, en meutes
vaches, brebis, chevaux
à tous les étages d’un gratte-ciel incendié
leurs beuglements hantent mes nuits

et je sillonne mon cimetière
pour me racheter un jour peut-être
rendre à mon espèce
un semblant de dignité

Télécharger le PDF

Article précédent Dieu... ça ne mène pas toujours où on pense
Imprimer
286
RAFA-ACO-10-2023
Séduction à Vancouver
Cabaret littéraire 6 octobre 2024
Lancement de Le musée des objets perdus

Créations

Les noces de Cana Les noces de Cana

Extrait de l’œuvre en chantier, Jésus de Nicolet, rencontre avec un prophète fatigué, dans lequel Jésus de Nicolet, se remémore les souvenirs de ses vies passées, dont celle de Jésus de Nazareth.

Petit mollusque Petit mollusque

Le deuil périnatal ne défraie pas les unes. Pourtant, ses conséquences sur les familles atteintes sont profondes et perdurent dans le temps. 

Tout au long sur l’eau Tout au long sur l’eau

Cette chanson, inspirée d'un voyage de canoë de 7 jours sur la rivière Churchill, est un hommage à mon ami Gaetan Benoit, un fier Fransaskois. 

Arblessés Arblessés

Texte sur les arbres des Prairies blessés, malades, ou victimes du feu. 

No content

A problem occurred while loading content.

Previous Next

  

Les artisans de ce numéro

Coordination de la publication :
Jeffrey Klassen

Comité de rédaction :
Jeffrey Klassen, Marie-Diane Clarke, Jean-Pierre Picard, Mychèle Fortin, Madeleine Blais-Dahlem 

Auteur·e·s :

  • Jacques Cauda 
  • Catherine Dulude 
  • Mychèle Fortin 
  • Joël Lavoie 
  • Marie-André Nantel 
  • Amber O’Reilly 
  • Jean-Pierre Picard 
  • Laurent Poliquin 
  • Gisèle Villeneuve 

Artiste invitée :
Michèle Mackasey

Mise en page et mise en ligne :
Jean-Pierre Picard

Merci à l’Association des auteur·e·s du Manitoba français qui a piloté l’organisation du Concours de création littéraire de l’Ouest et du Nord canadiens (CCLONC).

La revue À ciel ouvert est publiée et diffusée par :

Coopérative des publications fransaskoises

en partenariat avec le

Collectif d'études partenariats de la Fransaskoisie


Merci à nos partenaires et commanditaires:

    Conseil culturel fransaskois   Saskculture Fondation fransaskoiseGouvernement du Canada