3 poèmes


3 poèmes

Amber O'Reilly

Falaise C - détail

Falaise C - détail

Crédit : Anne Brochu-Lambert

Morphéeine

nous n’avons plus droit

à nos peines perdues

l’avenir se décline

 

devant nous en une série

de refoulages

tout gober tandis que

 

les fourmis grouillent

dans nos enjambées banales

se dégourdir est inutile

 

le mal d’exister

ne part pas à la course

il se sauve en douce

 

et si on réussit pour une fois

à mettre le doigt dessus

extraire tous les points noirs

 

frémissant sous notre peau

les soignants nous nomment

symptômes d’un système en panne

 

par les temps qui courent

nous sommes consommateurs

en attente de Morphée

 

marchands de sommeil

clandestins célèbres

drogues et drogués

 

à la fois indécis et convaincus

produits périmés

porteurs de notre propre mort

 

Chaude fraude

Tout ce que je sais faire c’est me pointer

et me vider les poches

un complexe, un regret à la fois.

 

Au creux de ma guerre, j’ai été

imposteure sans même m’en rendre compte.

Je me suis précipitée sur scène

comme un vulgaire bricolage d’hologrammes

ma présence vulnérable, accidentellement

attachante en a berné certains

 

mais la vérité c’est que je suis sans cesse

confrontée à ma piètre présence scénique.

 

Des années de scène et mes entrées sont des auditions ratées.

Je cherche des yeux où me réfugier, mon regard vacille,

toujours un besoin fou d’assurer, d’assumer...

 

Un refus naissant

de céder à ces doutes

parce qu’au moins tout ça se travaille.

5% de talent, 95 de technique

Suffit de 10 000 heures pour maîtriser la vie.

 

10 000 à partager ce don avec quiconque

veut bien s’accrocher à nos lèvres.

Est-ce que ça vaut la peine alors que

notre temps est compté d’avance?

Alors que la planète menace de nous expulser à tout moment.

Alors qu’on ne paie pas un loyer par la force d’un souhait.

J’ai un ami de longue date. Il m’a dit Toi,

 

t’es artiste mais t’es d’abord écrivaine.

 

Je m’en rappelle avec une violence fulgurante.

 

Dans ma tête, tout ce que je dégage laisse

à désirer, jusqu’où me mènera cette plume?

 

Je ne m’excuserai pas de ma force tranquille!

 

À la page, au micro, dans un entre-deux

trop ambigu pour exister

une fibre créatrice

une obsession inébranlable

un instinct de survie

chaque mot comme un pas vers les spots.

 

Je ne suis jamais allée en boîte

I

Je veux qu’on aille là où il ne reste plus de mots, que notre chair trépignante d’électricité. Danser, s’époumoner, puer olé-collés comme des autocollants magnétiques à la charge hyper puissante, mêler nos phéromones multicolores. Parler avec nos corps. De la musique dans laquelle s’évader se fondre en douce, un noir où s’accrocher à l’humidité ambiante, à un oxygène partagé, à quelque chose de vivant. Il nous faudrait une boîte de jour. Une boîte de toujours, de tous les jours, de tous les temps, une boîte cajolante où extasier nos sens. Un cadran pour prolonger l’éveil et stimuler l’émerveil.

II

Je veux retourner là où tu as été jaloux de mon corps contre celui d’un autre, pour une fois que je suscitais un tel effet chez toi. Le meilleur réveillon de ma vie. Feux d’artifices pisco sour girl power. Cumbia bachata reggaeton disco intemporelle et ton regard aussi. Tout danser, tout vivre avant que pasado pisado muerto ne s’ensuive. Et pourtant tu es toujours là sur le seuil d’une porte que je peine à claquer ta silhouette maudite backlit dans la boîte de mes souvenirs. T’embrasser sur la bouche comme pour te rassurer, te rétroéclairer, alors que je te devais fuckall dans cet instant stroboscopique.

III

Je veux t’entraîner sur la piste de danse pour défouler toutes les solitudes que j’ai enfouies dans la boîte cachée sous mon décolleté vierge, te faire l’amour dans tous les lieux où j’en ai manqué, qu’on nous regarde s’enlacer comme des serpents aveugles, jouir de Planet Pop 3 et tous les classiques du millénaire qui nous a foutus. Tu réponds à la soif qui a longtemps resserré ma gorge, je me dévoue à toi seul, je me dénoue pour toi seul dans le gymnase où j’ai été trop petite pour mes souliers, je pose mes pieds sur les tiens et on titube. Que toi aussi tu laisses aller ta bonne humeur, laisses vibrer l’ado frustré, laisses guérir l’adulte perdu au cœur trop bon comme je guéris quand je tangue dans tes bras.

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215

Numéro 6

***

Liminaires et analyse

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