Les Afro-Fransaskoises tracent leur voie
Si l’entrepreneuriat féminin se développe depuis plusieurs années, les femmes d’ascendance africaine prennent elles aussi leur place en dépit des obstacles, et grâce au soutien d’un programme local.
Adopté au Canada depuis 2018 et financé par le gouvernement fédéral, le programme bilingue Solution Repreneuriat/Succession vient en aide aux entrepreneuses, et ce, gratuitement.
Sa mission est d’accompagner et de guider ces dernières tout au long de leur parcours de reprise d’entreprise, tout en leur fournissant des outils adaptés.
Déjà implanté dans plusieurs provinces de l’Est, notamment au Nouveau-Brunswick, le programme est adopté en Saskatchewan en 2024, par le biais du Conseil économique et coopératif de la Saskatchewan (CÉCS).
« Chaque candidate se voit assigner un expert en entrepreneuriat qui l’accompagne tout au long de la mise sur pied de son entreprise, après avoir suivi une formation de niveau 1 », explique Alberta Muembo, responsable du programme.
En un an et demi de fonctionnement, le programme a enregistré un total de 39 femmes inscrites, dont seulement 4 francophones, parmi lesquelles 3 Africaines.
« Quinze femmes ont bénéficié de nos services de coaching et d’accompagnement. Cette année, environ cinq femmes francophones africaines sont sur le point de débuter le programme », ajoute l’agente.
Des défis persistants
Selon la coordonnatrice du programme, ces chiffres s’expliquent notamment par la difficulté à trouver des formateurs et experts francophones en entrepreneuriat.
« Dans toute la province, nous n’avons pas trouvé d’expert francophone. Nous avons dû en recruter un depuis le Québec. C’est un défi auquel nos participantes font face, car elles n’ont pas toujours la possibilité de rencontrer leur expert en personne. »
Alberta Muembo mentionne également l’autre obstacle majeur de la barrière linguistique.
« Les femmes entrepreneures afro-fransaskoises disent ne pas bien comprendre ni parler l’anglais, alors que la majorité des événements à Saskatoon et en Saskatchewan se déroulent uniquement en anglais. »
« À cela s’ajoute un manque de confiance en soi », note la responsable. Avant d’ajouter, non sans regret : « Actuellement, le programme est en pause faute de financement. »
Des réussites inspirantes
Malgré tout, certaines entrepreneures afro-fransaskoises parviennent à se démarquer, notamment à Saskatoon où Ginette Apeus Koume s’est lancée à son compte.
Forte d’une carrière en gestion des télécommunications, la Camerounaise installée au Canada depuis un peu plus de deux ans a suivi au Canada plusieurs formations en entrepreneuriat et fait partie des bénéficiaires du programme Solution Repreneuriat.
Grâce à cela, elle a ouvert Ginette Luxury Crafts, une boutique d’artisanat africain située sur l’avenue Broadway de la ville des ponts.
« Mon objectif était de trouver un lieu où je pourrais non seulement exposer les fruits de mon savoir-faire, mais aussi offrir une vitrine à d’autres entrepreneures africaines talentueuses », explique-t-elle.
La boutique lui permet de mettre en pratique ses compétences managériales, d’aider des artisanes africaines à gagner en visibilité et d’améliorer son anglais au contact de la clientèle.
« Je me définis comme une femme d’affaires, et non comme une simple commerçante », résume-t-elle.
En dépit de ce beau succès, l’entrepreneure souligne plusieurs obstacles, comme le manque de connaissances en matière de partenariat d’affaires et de responsabilités.
« De plus, je déplore l’absence de soutien et de subventions de la part des organismes francophones, malgré mes nombreuses relances », déplore-t-elle.
De la persévérance
Toujours à Saskatoon, une autre femme d’affaires fait florès. N’Goné Dione, une Canadienne d’origine sénégalaise et guinéenne, arrivée au Canada en 1987, est à la tête de la chaîne de salons de coiffure et soins esthétiques House of Braids.
Si la première structure a ouvert ses portes en 1997, l’entrepreneure gère aujourd’hui quatre entreprises et emploie une quinzaine de personnes.
Dans le cadre d’un partenariat d’insertion professionnelle avec le CÉCS, elle a également formé plusieurs jeunes qui ont ensuite intégré son équipe.
« Ce n’était pas facile à mes débuts en tant que femme africaine et francophone d’évoluer dans un milieu presque entièrement anglophone et peu ouvert aux nouveaux arrivants », se souvient-elle.
« Il a fallu que je comprenne la réglementation locale pour pouvoir exercer dans mon domaine. »
N'Goné Dione déplore également le manque de soutien financier des pouvoirs publics : « Grâce à une gestion rigoureuse, j’ai pu réussir », estime-t-elle.
Malgré les défis linguistiques, structurels et financiers, les Fransaskoises d’ascendance africaine continuent de faire preuve de résilience et de créativité, motivées à bâtir un avenir économique inclusif et prospère.