Actualité littéraire

Jean-François McDonnell
/ Catégories: Opinion, Faire communauté

Fransaskois, on le devient

« Selon vous, à quoi ressemble l’avenir de la fransaskoisie ? » Implacablement, la question tombe comme un cheveu sur la soupe. La personne assise en face de moi se gratte la tête, ou bien lâche un rire malaisé. Parfois, elle refoule des larmes.

Quand les mots surgissent enfin, ils sont empesés d’une incertitude apparente. De toute évidence, ce n’est pas une question à laquelle on souhaite penser.

Cet été, j’ai fait mon premier (et certainement pas dernier) tour de la fransaskoisie. Pour plonger au cœur de cette communauté résiliente, éparpillée aux quatre coins du grand rectangle canadien, j’ai passé en entrevue divers acteurs communautaires, présents ou passés, jeunes ou vieux, natifs ou adoptifs, et le tout, de Zenon Park à Gravelbourg. 

Sans risque de me tromper, je peux affirmer que l’enthousiasme des participants était au rendez-vous. 

À chaque fois, le questionnaire élaboré en prévision de la rencontre était jeté par la fenêtre aussitôt la conversation entamée. On s’ouvrait à moi avec une générosité débordante. Voilà que je découvrais en personne l’incroyable qualité d’accueil des Fransaskois. 

L’engagement chevillé au corps

On a parlé d’identité, cet écusson que chaque être réclame sans pourtant s’interroger sur sa provenance. 

Selon ce qui fut soulevé lors de mes discussions, l’identité fransaskoise est, depuis ses fondements, un bassin hétérogène lié par une caractéristique principale : l’engagement. 

Comme aurait pu le dire Simone de Beauvoir, on ne naît pas Fransaskois, on le devient. Ce principe actif est l’ingrédient secret de la longévité fransaskoise qui, dans les faits, aurait bien pu s’éteindre au cours du siècle dernier. 

En ce sens, l’engagement est une pierre philosophale : c’est ce qui permet à l’Association jeunesse fransaskoise de rassembler les nouvelles générations pour leur accorder un sentiment d’appartenance, au Conseil culturel fransaskois de mesurer le pouls de l’évolution culturelle s’acheminant sur le territoire, ou encore à l’Assemblée communautaire fransaskoise d’entendre ces voix qu’elle s’est engagée à représenter. 

On a aussi parlé d’inclusion, cette bête ambivalente. Certains y voient l’anéantissement de leurs traditions, d’autres une panacée à l’amenuisement démographique. 
Il s’agit d’une problématique complexe dont la résolution semble néanmoins claire : atteindre un équilibre. Un équilibre entre la ruralité et l’urbanité, la tradition et le changement. 
Ici comme ailleurs, il est important pour toute population de se responsabiliser quant à la mémoire du territoire qu’elle occupe. S’imprégner de la mémoire territoriale nous permet non seulement de mieux comprendre ceux qui nous entourent, mais aussi d’inscrire sa propre histoire au cœur du texte commun. Dans une communauté, on se tient tous ensemble, ou pas du tout. 

Un épanouissement compromis

La Fransaskoisie a toujours été confrontée à une tâche d’apparence insurmontable : s’épanouir au cœur de la différence. 

Durant mon périple, j’ai eu l’authentique plaisir de découvrir, chez chacune de ces incroyables personnes croisées en chemin, une passion inégalée pour l’engagement communautaire. 

Et la communauté fransaskoise a opté pour l’inclusion. Pour triompher, un effort constant est de mise. Mais qui sait, peut-être aurait-on discerné l’importance cardinale de la différence au sein de toute entreprise culturelle ?

Pour ma part, j’écris ces mots sous un ciel déployé, plus vaste et venteux, celui que la Fransaskoisie m’a loué pour y semer ce qu’on récolte ensuite sur terre. Et quand je m’allégerai à nouveau par ce coin de pays, ce sera pour retrouver des amis.
 

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