Numéro 1 - Printemps 2017

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Le cheveu sur la soupe


Le cheveu sur la soupe

Ian C. Nelson

Thierry se vantait toujours d’aller à contre-courant de toute entreprise. « Je suis le cheveu sur la soupe, » disait-il quand on s’arrêtait net devant son intransigeance dans n’importe quelle circonstance. « C’est mon caractère, que veux-tu ? » gloussait-il, fier de son esprit de contrariété.

Bien qu’il impressionnât ses professeurs par ses prouesses dans les mathématiques, il s’obstina à suivre des études en psychologie avec une spécialisation en écriture autobiographique, genre qu’il affectionnait éventuellement avec une certaine ambition personnelle.

Quand il atteignit la majorité, sa mère lui dit qu’il n’était certes pas fait pour le mariage. Sur-le-champ, il trouva une pauvre jeune fille et l’épousa pour la rendre, notamment, malheureuse pendant une vingtaine d’années.

Il continua sa carrière académique. Aux conférences de psychologie et de littérature où on le convoquait, il continuait son train. Dans les discussions, il était toujours le membre le plus vociférant sur le panel « contre ». Et au bar des convives après, c’est lui qui commandait la bière quand tout le monde buvait du vin et c’est lui qui commandait tout un repas quand les autres se contentaient de grignoter des tapas. On constatait, par le scintillement de ses yeux, qu’en faisant cela, il se croyait avoir fait encore un coup pour son indépendance.

La semaine dernière son médecin lui dit qu’il vivrait aisément jusqu’à l’âge de quatre-vingt-dix ans.

Avez-vous lu les chroniques nécrologiques aujourd’hui ?

Ian C. Nelson

Ian C. Nelson

Ian C. Nelson, metteur en scène et acteur bilingue (plus de 115 mises en scène et 130 rôles), est animateur du Cercle des écrivains à la Troupe du jour depuis 2001. Sa propre pièce La Chambre blanche a reçu le prix SATA (Saskatoon Area Theatre Award) 2013-2014 pour la dramaturgie. Récipient d’un « Lifetime Achievement Award » en 1996, il a été intronisé en 2014 au Temple de la renommée du Théâtre Saskatchewan en reconnaissance de ses activités dans le développement du théâtre en français et en anglais en Saskatchewan. Des exemples de ses micronouvelles (devenu son genre préféré) ont été publiés dans À ciel ouvert, la chronique « Horizons » de l’Eau vive, et dans Bref! (Éditions du blé, Saint-Boniface).

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Printemps 2017

Un jour de grand vent (extrait) Un jour de grand vent (extrait)

Mardi le 10 mai ’66. De bonne heure le matin, au Restaurant Lafontaine à Métabetchouan au Lac-Saint-Jean. L’accent du Lac est présent à différents degrés chez les personnages. Il affecte en particulier Monsieur Pit, un sympathique septuagénaire à la retraite. Jeannot Lafontaine, douze ans, est debout derrière le comptoir. Il porte son uniforme d’écolier  sous un tablier. Monsieur Pit est assis à son...

La Voie lactée La Voie lactée

Il était une fois,
au fin fond du Far West canadien,
dans une province au nom imprononçable,
une cavalière redoutable.

Le grand barrage

À défaut d'être aimé, Henri était respecté de tous les castors. Sa supériorité ne laissait aucun doute. On n'avait qu'à regarder son barrage pour comprendre qu'il était plus doué que les autres.

Knockout

L’aiguille de glace qui arracha Victor Florkowski à la vie ressemblait à un ivoire de mammouth. Elle était aussi large qu’un pneu, aussi longue que la victime, et se rétrécissait en une pointe cristalline —  à double tranchant — dont la beauté fatale resplendissait sous clair de lune.

Cantate pour légumes (Extrait)

Au cœur de ce texte sont quatre êtres qui ont perdu leur voix, la capacité d’exprimer leur volonté et leur angoisse. Ancrés dans leurs fauteuils roulants, Asperge, Gourde, Navet et Asperge rêvent d’évasion. Dans les solos de la cantate, les légumes expriment leurs désires les plus profonds.

Triptyque - Micro nouvelles Triptyque - Micro nouvelles

Au coin de l’avenue Idylwyld et la 23e un bip discontinu se fait entendre à ma gauche. Un clignotement sonore: on peut traverser.  Entre les deux lignes on peut traverser. “Passez, monsieur. Priorité aux piétons.” Oui, on peut traverser. On peut traverser si les autos s’arrêtent.

Entreciel

Sorties de l’entretoit des corniches des greniers de mille espaces connus d’elles seules oubliés par concierges et architectes, les hirondelles occupent dès le matin l’entreciel, la part élevée de Madrid, en rase-tête des habitants des terrasses jusqu’à la proximité des saints perchoirs, des croix des antennes, faisant fi de nos communications avec l’au-delà.

La mousse La mousse

Maman, pourquoi c’est mouillé ici? 

C’est la mousse, mon chéri. Fais attention à ne pas glisser.

De la supercherie De la supercherie

Cette réflexion est née d’un constat. La vie ne nous appartient pas. Elle nous a été léguée et nous la rendrons en même temps que notre dernier souffle.

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