Horizons

Chronique littéraire publiée dans l'Eau vive

S’intégrer à la francophonie sans la langue : mission possible ?
Golnoosh Sarlak – IJL-L’Eau vive
/ Catégories: Société, Francophonie

S’intégrer à la francophonie sans la langue : mission possible ?

En Saskatchewan comme dans d’autres provinces, des nouveaux arrivants non locuteurs du français s’intéressent à la francophonie. Mais comment peuvent-ils trouver leur place dans une communauté dont la langue est au cœur de l’identité ? Entre ouverture et inquiétude, les avis divergent.

Lorsqu’il est arrivé à Saskatoon il y a trois mois, Boniface Brice Fotsing, originaire du Cameroun, s’est tout de suite rapproché de la communauté francophone.

« Parler anglais, c’est bien, mais je me sens plus à l’aise en français. Entre francophones, ce sont de belles occasions de partager notre culture, nos découvertes et nos défis », estime-t-il.

Pour lui, inviter des non-francophones à participer aux activités de la francophonie est « une très bonne idée », car cela « permet de garder vivante la langue française et d’encourager les autres à l’apprendre ».

Cet enthousiasme est partagé par Älva Jouband-Uusitalo, directrice du Festival CINERGIE à Saskatoon, originaire de Suède et de France.

« Quand j’étais jeune, j’ai découvert la communauté francophone de Saskatoon, et ça a été une très belle découverte. Au début, nous ne connaissions pas beaucoup de francophones, et c’était un vrai défi. Mais maintenant, nous en sommes très heureux », témoigne-t-elle.

Pour cette dernière, les espaces culturels comme le cinéma, la musique ou les festivals sont essentiels pour rapprocher les groupes linguistiques et créer des ponts.

Une insécurité à parler

Pourtant, cette ouverture ne va pas toujours de soi. Certains membres de longue date de la communauté francophone en Saskatchewan s’interrogent sur la place que peuvent occuper les francophiles.

Une enseignante de français langue seconde qui souhaite rester anonyme ose le dire : « C’est bien d’accueillir tout le monde, mais si la langue française n’est plus au centre, on risque de se perdre un peu. »

Apprendre et parler le français dans une province majoritairement anglophone n’est pas simple. Même ceux qui maîtrisent la langue ressentent parfois une certaine insécurité linguistique.

Vahid Nazari, arrivé il y a deux ans, en sait quelque chose : « J’ai commencé à apprendre le français en Saskatchewan et, au début, j’étais très inquiet. Mais grâce aux cercles de conversation et à la gentillesse des francophones, je me sens de plus en plus à l’aise. Je me suis même fait de vrais amis. »

Cette insécurité n’épargne pas les jeunes, comme Jade Lomba, 16 ans, étudiante à l’École canadienne-française de Saskatoon.

« Je suis ici depuis trois ans. Participer aux événements francophones m’aide à garder confiance. On apprend tous les uns des autres. »

Pour elle comme pour Vahid, la francophonie actuelle n’est plus une question d’origine linguistique, mais plutôt de volonté de participer et de partager.

Une communauté à redéfinir

Au niveau national, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada joue un rôle clé dans cette redéfinition de la francophonie.

Liane Roy, présidente de la FCFA, déclare : « Nous travaillons à créer des environnements d’accueil inclusifs et francophones, où la diversité des parcours est valorisée autant que la langue française. »

L’organisation appuie ainsi une vingtaine de Communautés francophones accueillantes (CFA) à travers le pays, afin d’aider à intégrer les nouveaux arrivants autour du français comme langue de cohésion.

La FCFA a aussi développé des outils et formations pour mieux accompagner les personnes non francophones, ainsi que des ressources multilingues pour les réfugiés.

Selon Liane Roy, favoriser l’intégration des personnes non francophones, c’est aussi renouveler et renforcer la francophonie.

Dans les Prairies, la fransaskoisie évolue au rythme des voix qui la composent. Entre francophones et francophiles, jeunes et apprenants, chacun y cherche une place.

« La langue, ça s’apprend. Mais le sentiment d’appartenance, ça se vit », conclut Vahid Nazari avec un sourire.

Imprimer
18 Noter cet article:
Pas de note

Golnoosh Sarlak – IJL-L’Eau viveGhita Hanane

Autres textes par Golnoosh Sarlak – IJL-L’Eau vive
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x

Titres

RSS
245678910Dernière