Élections fédérales : des Fransaskois se confient sur leurs préoccupations
À l’approche des élections fédérales, L’Eau vive est allé à la rencontre de Fransaskois pour recueillir leurs opinions sur cette élection charnière. Dans un monde bouleversé et incertain, ces électeurs se confient sur leurs préoccupations et leurs motivations à participer au scrutin. Premier arrêt à Saskatoon.
Denise Hamon Liboiron
Qu’est-ce qui vous préoccupe le plus en tant que citoyenne ?
Je crains qu’on devienne une société de plus en plus égoïste, qu’on perde notre sens de la communauté. Les gens sont de plus en plus seuls, surtout les jeunes de 20 ou 30 ans.
Notre génération de baby-boomers doit aller à leur rencontre, les écouter. Il faut créer un dialogue intergénérationnel pour bâtir une société plus empathique. On passe trop de temps devant nos téléphones, on manque de communication en face à face.
À quoi ressemblerait pour vous un Canada idéal dans le futur ?
On a toujours eu une sorte de complexe d’infériorité face aux États-Unis. Je pense que c’est le moment d’affirmer notre voix. On peut montrer qu’on est capable d’offrir à tout le monde une vraie chance de réussir avec un modèle plus respectueux des êtres humains et de l’environnement.
J’espère un changement, des politiciens qui n’oublient pas d’où ils viennent quand ils arrivent à Ottawa, qui ont du courage pour défendre nos intérêts plutôt que ceux des grandes entreprises.
Mais ce changement dépend aussi de nous. Rien ne vient d’en haut, ça passe par les gens qui se rencontrent et recréent du lien social.
Nous, les aînés, on n’a rien à perdre, nous n’avons pas de jobs à garder, alors on doit s’impliquer et dire les choses comme elles sont.
Quelle place pourrait occuper la communauté francophone dans ce futur ?
Je suis toujours étonnée que les Québécois ne sachent pas qu’il y a des communautés francophones en dehors du Québec. J’aimerais plus de communication entre nos communautés.
Et dans un sens plus large, nos communautés en situation minoritaire peuvent contribuer à rétablir les liens sociaux entre les gens.
Christophe Liseron
Qu’est-ce qui vous inquiète en ce moment ?
Ce qui m’inquiète, c’est la "trumpisation" de la société. Une société qui stigmatise la recherche, l’étranger, une société en manque d’empathie, trop égoïste.
Le Canada a toujours été différent des États-Unis. Les Canadiens sont évidemment plus tolérants que les Américains. Enfin, je généralise un peu, il y a beaucoup d'Amériques différentes aussi.
Mais ces valeurs peuvent se perdre rapidement. Ce n'est pas quelque chose qui est acquis, donc il faut vraiment les défendre, faire attention et rappeler aux gens quelles sont les spécificités de notre pays : la tolérance, le sens de l'accueil.
Même si tout n’est pas parfait ici, on a quelque chose de précieux à préserver.
Restez-vous optimiste quant à l’avenir du Canada ?
Je reste raisonnablement optimiste. Il faut juste éviter que des mouvements d’extrême droite ou de droite séparatiste prennent trop d’ampleur en imposant des discours de peur. Je ne suis pas dupe, je sais qu'il y a des gens qui vont essayer d'utiliser les peurs comme aux États-Unis, ou en Europe. Il faut être vigilant.
J’aimerais que le Canada continue d’être un juste milieu entre l’entrepreneuriat américain et l’esprit social et de tolérance des pays scandinaves.
Quel rôle peut jouer la communauté francophone dans cet avenir ?
C’est une communauté qui grandit, qui a une vraie volonté de garder sa langue. Elle aura de plus en plus d’impact, surtout avec les nouveaux arrivants.
La communauté peut aussi aider à l'intégration et la découverte de la culture des francophones qui ont été ici depuis plusieurs générations. La communication entre les membres de notre communauté nous rendra bien plus forts, cela repoussera cette tentation de repli sur soi.
Älva Jouband-Uusitalo
Quelles sont vos préoccupations dans le cadre de ces élections ?
En tant que membre de la communauté LGBTQ+, je ressens une montée des discours qui remettent nos droits en question.
Même si je n’ai pas subi de discrimination directe, il y a une peur qui s’installe. Des jeunes de la communauté se sentent visés. Ça peut changer très vite et c’est pour cela qu’il me semble important d’aller voter.
Et puis, il y a aussi les enjeux climatiques qui me préoccupent beaucoup.
Quel genre de changements aimeriez-vous voir ?
J’aimerais voir des changements positifs pour la communauté mais aussi pour l'environnement. Je rêve d’un pays qui protège réellement l’environnement et tous les êtres vivants. Il faut préserver l’eau, les forêts, les écosystèmes.
Je souhaite aussi plus d’égalité. On devrait pouvoir apprendre les langues autochtones à l’école et mieux connaître leurs cultures pour avancer vers une vraie réconciliation.
Et puis, j’aimerais que le système de transport en commun et l’urbanisme des villes changent. Pour l’instant, les infrastructures des villes ne sont pas centrées sur la communauté. Je souhaite avoir des écosystèmes urbains centrés sur nos besoins.
Que peut apporter la communauté francophone dans ce futur ?
La communauté francophone peut jouer un rôle important, elle doit rester ouverte à la diversité. On voit que beaucoup d’organismes le sont déjà, mais il faut continuer.
Il y a aussi une part individuelle : chacun doit faire sa part. Je dirais qu’il y a eu certainement des efforts positifs, mais les changements sont graduels et prennent du temps.