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Amber O’Reilly (Manitoba)
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Millenial Jesus

Amber O’Reilly (Manitoba)

MACKASEY – Portrait-bouteilles-mémoire de mon fils Chevez à 15 ans

MACKASEY – Portrait-bouteilles-mémoire de mon fils Chevez à 15 ans

32’’ h x 35’’ l – Vitre, liquide coloré, adhésif et métal – 2017
Crédit de photo : Percy Paul

C’est-tu trop demander à la vie, une maison où je peux prendre un bain sans voir la moisissure s’infiltrer derrière la plomberie ? Un marché immobilier juste un peu plus clément?

Un homme juste un peu plus à ses affaires? Une job juste un peu moins crève-cœur?

Avis de recherche: une seule personne de notre âge, de cette génération perdue qui va bien. Une personne si follement amoureuse de sa vie qu’elle se rappelle même de se soucier de celle des autres. Quelqu’un de profondément heureux et doté d’un amour de soi sans bornes. Cesse de te cacher, pis dis-moi pas que tu veux pas être connu.

Moi, je veux te connaître pour me convaincre de l’irréfutable possibilité de ton existence. Que c’est possible, qu’on est pas forcément voués à une insatisfaction amère et chronique. À un abysse d’angoisse existentielle infinie.

Je veux te stalker et mettre le doigt sur ton point faible, que tu tombes à ton tour. Mais je veux surtout que tu deviennes méga-influenceur, que tu nous sauves le cul avec ta bonté et ta grâce. C’est toi, Millenial Jesus? Laisse-moi prouver que t’es du fake news, parce que c’est pas un hasard si aujourd’hui nos vies sont d’la marde (Amen, Lisa Leblanc). Peut-être qu’on aime ça de même. Après tout, c’est rendu plus romantique de chialer que de vivre. Pis nous, les bohèmes de rien, osti qu’on aime ça chialer.

regrette regratte

de ne pas t’avoir embrassé sous les couvertes
tandis que le navire percutait l’iceberg

de ne pas t’avoir nommé toutes les étoiles,
ta nuque sur mon ventre la nuit du lac gelé

de ne pas avoir ciselé la glace foncé droit au but
de ne pas avoir respiré le musc des chevaux depuis cet été-là
de ne pas avoir avalé une bouchée de vie avant de m’évanouir dans ce métro

ce t-shirt translucide trop moulé même si c’est toi
qui devrais regretter ton commentaire
d’être montée dans ton appart si aveugle à tes intentions

je regrette d’avoir quitté trop tôt
d’être restée trop tard
de ne pas t’avoir tout dit tout écrit
de ne pas t’avoir aimé comme tu le méritais
de ne pas t’avoir à mes côtés ni entre mes côtes

de tous mes regrets, je regrette de ne pas t’avoir eu

Pouls de bêtes

Dans mes rêves je peine à soigner 
tous les animaux à ma charge
ils souffrent d’une extrême négligence
leur pelage emmêlé, graisseux
leurs regards suppliants
à manger à boire à paître en liberté

il y a littéralement
trop de chats à fouetter
et je ne maîtrise pas ma violence

éprise d’une culpabilité frénétique 
qui remonte aux enterrements de poissons 
dans des bocaux vitrés sous la terre
déjà le cyclone hydrologique de la mort 
faisait scintiller trop de nageoires
je n’avais pas l’alchimie 
des aquariums dans le sang

Puis Esther
cobaye inespéré
course folle le tour de la grande épinette 
broutage de carottes, petites crottes
sciures de pin huit ans enfermé
et innocent

Jamaico
hamster Indiana Jones
il explorait la maison dans une bulle
de plastique, un petit nuage gris
une planète à l’orbite confuse

Toby
l’épagneul d’une pureté d’âme
il a rongé d’innombrables barrières
pour retrouver la chaleur de ses maîtres absents
sourd, aveugle, la peau enflammée
maïs soufflé et saumon avant que ses cendres
ne reposent dans une boîte sur l’étagère

Gerbille blanche et noire
retrouvée morte sans nom
rigor mortis dans sa cage
congelée dans une boîte de carton

ces animaux de compagnie auxquels je 
n’ai pas su tenir compagnie
reviennent en troupeaux, en meutes
vaches, brebis, chevaux
à tous les étages d’un gratte-ciel incendié
leurs beuglements hantent mes nuits

et je sillonne mon cimetière
pour me racheter un jour peut-être
rendre à mon espèce
un semblant de dignité

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