En Saskatchewan, l’intégration difficile des nouveaux arrivants isolés
S’installer seul en Saskatchewan, sans famille ni conjoint, reste un défi majeur pour de nombreux nouveaux arrivants francophones. Entre barrière linguistique, logement et climat rude, l’intégration repose souvent sur le soutien des organismes communautaires.
Le Conseil économique et coopératif de la Saskatchewan (CECS) a accueilli 130 nouveaux arrivants francophones entre 2024 et 2025. Selon l’organisme, 84 % d’entre eux sont arrivés seuls, sans famille.
Premier constat : « Le problème n’est pas la qualification, mais la langue. L’anglais est une énorme barrière à l’emploi », rapporte Habibatou Konaté, gestionnaire en employabilité et immigration.
L’agente insiste : « Il faut sensibiliser les nouveaux arrivants à l’importance de l’anglais. La persévérance et les activités sociales sont essentielles pour éviter l’isolement. »
De son côté, le Service d’accueil et d’inclusion francophone (SAIF) demeure une porte d’entrée cruciale pour ces nouveaux venus.
« La majorité d’entre eux prennent contact avec nous avant leur départ. Nos agents les récupèrent à l’aéroport et peuvent même vérifier des logements pour eux en amont », explique son directeur général, Ronald Labrecque.
Ainsi les services d’accompagnement en matière de démarches administratives, logement et orientation facilitent grandement leur adaptation.
Trouver sa place malgré la solitude
Pour Ibra Ndiate Ndiaye, arrivé du Sénégal en 2024 avec un doctorat en agriculture, l’accompagnement du SAIF et du CECS a été déterminant.
« J’ai eu la chance de trouver rapidement un poste au Collège Mathieu. Mais sans un bon niveau d’anglais, il est difficile de décrocher un emploi correspondant à sa profession. Être bilingue est indispensable », précise-t-il.
S’il est arrivé seul, un ami l’a guidé dans ses premiers pas : « Le logement était compliqué. Heureusement, j’ai pu compter sur lui et sur la communauté sénégalaise. »
Aujourd’hui, Ibra Ndiate Ndiaye encourage les autres à « sortir, aller vers les gens et construire des liens ».
Fan-name Kanfeli, arrivé en 2024 avec sa fille, raconte un parcours semé d’embûches. Après un premier travail en usine, il a décroché un poste saisonnier à la Ville de Saskatoon.
Fan-name Kanfeli est arrivé en 2024.
PHOTOS Crédits : Courtoisie
« Le SAIF m’a aidé à ouvrir un compte bancaire, à obtenir mon NAS et à inscrire ma fille à l’école. Le CECS m’a soutenu pour mon CV et ma recherche d’emploi », relate-t-il.
Mais le logement reste son principal problème : « Mon appartement est mal chauffé. L’hiver est extrêmement difficile. Je conseille d’éviter une arrivée en hiver, c’est beaucoup plus simple au printemps. »
Engagé en tant que bénévole auprès de la Fédération des francophones de Saskatoon (FFS), Fan-name Kanfeli dit avoir trouvé dans ces activités un appui précieux : « Cela m’a beaucoup aidé à m’intégrer. »
Originaire du Rwanda, Innocent Minega se souvient lui aussi de son arrivée à Saskatoon en plein hiver. « Je suis passé de +50 °C à Juba à –29 °C ici. Un choc brutal. »
Innocent Minega témoigne de l’impact positif de l’accueil qu’il a reçu pour son intégration en Saskatchewan.
PHOTOS Crédits : Courtoisie
Malgré tout, il a été accueilli chaleureusement par une famille francophone et a pu rapidement prendre ses repères. « Cet appui a été décisif pour ne pas sombrer dans la solitude », reconnaît-il.
Engagé au SAIF puis au Réseau Santé en français de la Saskatchewan (RSFS) comme directeur, il mesure aujourd’hui le rôle des organismes communautaires dans l’accueil et l’intégration des nouveaux arrivants.
« Les trois premiers mois sans ma famille ont été les plus difficiles. Mais l’appui communautaire et religieux m’a permis de m’ancrer ici », explique-t-il.
Installé depuis plus de deux ans dans la province, il encourage les nouveaux arrivants à briser leur isolement : « Participez aux activités, rapprochez-vous des organismes, impliquez-vous ! Une rencontre peut tout changer. »
Mieux accompagner
Certes, les organismes jouent un rôle clé, mais des efforts supplémentaires pourraient être fournis selon Innocent Minega.
« Des programmes de mentorat ou de jumelage amical seraient une réelle aide pour ceux qui arrivent seuls », propose-t-il.
Avec une immigration francophone croissante, la question de l’intégration des personnes isolées devient urgente.
L’anglais, le logement et le climat demeurent les obstacles principaux, mais la solidarité des organismes et des communautés locales semble montrer qu’un accueil humain et structuré peut transformer un parcours difficile en réussite durable.