Numéro 1 - Printemps 2017

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La plante de Marc

La plante de Marc

La plante de Marc

Joëlle Boily (Colombie-Britannique)

Whouf!

Whouf!

David Baudemont - Aquarelle et fusain sur papier

D’entrechats pesants, Marc poursuit une plante. À répétition, l’homme bedonnant tourne et retourne dans son salon. En retrait, Bobby reste coi, atterré par l’étrange comportement de son ami, ses membres immobiles sur les appuis-bras pelés du fauteuil. L’empreinte de son postérieur se réfugie dans la mousse éventrée du siège. Tel un randonneur devant un ours, Bobby n’ose pas faire le moindre mouvement, de peur d’attiser la frénésie de Marc.

Dans l’attente d’une heure plus clémente, le temps défile, abandonnant ses secondes derrière lui. Paralysé, le gosier de Bobby se dessèche, ses mâchoires se crispant au rythme effréné de son cœur. Sur la pointe des pieds, un ange passe. Mais il se ravise aussitôt. Vu la tension présente dans l’espace, le chérubin préfère tourner des ailes et quitter la pièce.  

*

Ah, je ne vous dis pas, la chance que nous avons d’être campés dans le mur, vous et moi ! Parole de souris, ici, nous avons le meilleur point de vue de tout l’immeuble ! Vraiment, je ne saurais pas comment agir à la place du Bobby. Et vous, que feriez-vous? Pas évidente celle-là, je vous l’accorde ! Habituellement, je ne nourris pas de compassion à l’égard de ces lourdauds qui hurlent devant leur écran lors des matchs de hockey, mais là… Il se la voit compliquée en ce moment, le Bobby. Comme moi, vous l’avez remarqué, le pauvre homme est perdu par la folie du Marc.

D’ailleurs, je suis curieux de savoir d’où peut bien lui venir cette fixation sur la plante. C’est étrange non ? Une plante verte. Il n’y a pourtant pas de quoi réécrire le tableau périodique. Non pas que cet ogre de Marc soit généralement un adepte du sens commun. Mais tout de même, une plante verte, il n’y a vraiment pas de quoi s’emballer ainsi. En fait, je crois que le bedonnant perd la tête, tout simplement. À boire sans limites, à manger du jambon en canne et à dormir sous le soleil, le bougre aura perdu son esprit. Ou son esprit l’a déserté plutôt, dégoûté d’habiter un humain souillé. Voilà tout. 

Bon, aller ! Si vous me le permettez, je vais me retirer un instant; c’est l’heure de ma toilette. N’ayez crainte, je reviendrai. En cas de danger, je vous suggère de vous gonfler afin de paraitre plus menaçant.

*

Avec précaution, Bobby abaisse le repose-pied du fauteuil. Il glisse un œil discret vers Marc pour s’assurer que son mouvement n’a pas attiré l’attention de l’ours dansant. Libérant un soupir, Bobby constate que son ami est toujours absorbé par la plante. Léger comme une ombre, Bobby s’extirpe du fauteuil et s’éloigne. Il a peine à l’admettre, mais l’attitude de Marc le bouleverse et l’effraie. Il ne sait pas comment le soutenir et, pour l’instant, il préfère sauver sa peau en sacrifiant la plante.

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