Le Géographe du Cœur Serge Ben Nathan (Colombie-Britannique) Something Larger than Us Crédit : Serge Ben Nathan Je suis parti sur des routes Aux lacets défaits Le vent me rafraichissait Jusqu’à en avoir froid aux os, Ou était-ce la chaleur des mots Criés sur les toits de montagnes blanches Qui me faisait trembler Tel un drapeau flottant. Des mots oubliés. Des oubliés enfouis sous une peau calcinée. Des mots-fleurs aux couleurs maraudes Aux parfums exquis Exprimant des désirs Que je n’avais plus, Des désirs qui remontaient à la surface, Bulles d’envie de courage Qui m’était étranger Courage de l’enfant soldat Qui meurt en murmurant Maman Des mères esseulées Parmi des cratères de boue, Croute de vie, D’une vie qui s’effrite à chaque pas Devient satin. La peau de satin Du saltimbanque Qui funambulise sur les crêtes Passant de pays en pays Comme l’oiseau, Avec indifférence. L’indifférence du cœur Qui ne se brise que sur l’enclume Du sourire. Ce sourire je ne le reconnais plus. Le mien ? J’embrassais alors des vagues d’écumes mauves Qui fracassaient mes côtes. Mes côtes d’opales et de rubis Mon trésor de guerre Mon squelette fantôme Sur lequel j’habillais Mon manteau d’ombre Qui se dissipait Lentement Comme l’eau s’écoule Entre tes mains Entre tes doigts Entre Entre Entre… Serge Ben Nathan Serge Ben Nathan est chorégraphe, peintre et auteur. Ses chorégraphies ont été souvent récompensées; ses peintures ont été exposées au Canada, en France et au Japon; ses textes ont été lus en spectacle, publiés dans des magazines et l’un de ses contes a été publié aux éditions du Gref, Toronto. Toujours entre le mouvement, les mots et les couleurs, il se décrit comme un raconteur d’histoires poétiques, pleines d’imaginaire, d’humour et d’espoir. Imprimer 177 Balises: Serge Ben Nathan Articles connexes L’Éveil d’Abélard
Un jour de grand vent (extrait) Mardi le 10 mai ’66. De bonne heure le matin, au Restaurant Lafontaine à Métabetchouan au Lac-Saint-Jean. L’accent du Lac est présent à différents degrés chez les personnages. Il affecte en particulier Monsieur Pit, un sympathique septuagénaire à la retraite. Jeannot Lafontaine, douze ans, est debout derrière le comptoir. Il porte son uniforme d’écolier sous un tablier. Monsieur Pit est assis à son...
La Voie lactée Il était une fois, au fin fond du Far West canadien, dans une province au nom imprononçable, une cavalière redoutable.
Le grand barrage À défaut d'être aimé, Henri était respecté de tous les castors. Sa supériorité ne laissait aucun doute. On n'avait qu'à regarder son barrage pour comprendre qu'il était plus doué que les autres.
Knockout L’aiguille de glace qui arracha Victor Florkowski à la vie ressemblait à un ivoire de mammouth. Elle était aussi large qu’un pneu, aussi longue que la victime, et se rétrécissait en une pointe cristalline — à double tranchant — dont la beauté fatale resplendissait sous clair de lune.
Cantate pour légumes (Extrait) Au cœur de ce texte sont quatre êtres qui ont perdu leur voix, la capacité d’exprimer leur volonté et leur angoisse. Ancrés dans leurs fauteuils roulants, Asperge, Gourde, Navet et Asperge rêvent d’évasion. Dans les solos de la cantate, les légumes expriment leurs désires les plus profonds.
Triptyque - Micro nouvelles Au coin de l’avenue Idylwyld et la 23e un bip discontinu se fait entendre à ma gauche. Un clignotement sonore: on peut traverser. Entre les deux lignes on peut traverser. “Passez, monsieur. Priorité aux piétons.” Oui, on peut traverser. On peut traverser si les autos s’arrêtent.
Entreciel Sorties de l’entretoit des corniches des greniers de mille espaces connus d’elles seules oubliés par concierges et architectes, les hirondelles occupent dès le matin l’entreciel, la part élevée de Madrid, en rase-tête des habitants des terrasses jusqu’à la proximité des saints perchoirs, des croix des antennes, faisant fi de nos communications avec l’au-delà.
La mousse Maman, pourquoi c’est mouillé ici? C’est la mousse, mon chéri. Fais attention à ne pas glisser.
De la supercherie Cette réflexion est née d’un constat. La vie ne nous appartient pas. Elle nous a été léguée et nous la rendrons en même temps que notre dernier souffle.