Les Cyborgs, 3e partie.
Claudine Audette Rozon
Les mystérieux visiteurs sont en grande partie des constructions mécaniques et électroniques, comme l’a révélé une séance de déshabillage. Sont-ils des robots semi-humains ? Leurs irruptions, le soir ou la nuit, se multiplient. Ils traversent les murs sans prévenir. Les enfants adorent jouer des tours. Claudine, exaspérée, est en train de perdre le contrôle de la situation. Combien de temps vont-ils encore rester ?
Aujourd’hui, nous sommes sortis en famille pour le lunch. Les visiteurs nous attendaient, assis tranquillement à l’arrière de notre van. Au restaurant, ils se sont assis à la table voisine. Nous les avons regardés. Ils n’ont pas disparu, comme ils le font d’habitude, mais ont détourné les yeux.
La créativité des Cyborgs me fascine. Ils sont capables d’inventer tout un tas de choses, surtout les enfants. Hier, l’un des petits a démonté et remonté mon déambulateur en quelques minutes. Une autre avait besoin d’un bac pour se laver. Elle a dévissé la partie inférieure du récepteur de notre téléphone et l’a remplie d’eau. Elle a pu s’y baigner et y laver quelques habits.
Le jour, quand les deux enfants qui restent ont fini leurs petits travaux, ils nourrissent des chatons avec des insectes. Puis ils se mettent sur une balançoire, se couvrent de branches d’arbres et se reposent.
Parfois, ils se déguisent en petits animaux. Ils revêtent alors des costumes et se mettent à ressembler à des pies, des chiens ou des chats. D’autres fois, ils s’habillent en Elfes irlandais ou en nains. C’est étonnant de voir comme ils ont l’air vrais !
Les Cyborgs sont-ils des robots dénués de sentiments ? Pourquoi toutes ces parties du corps manquantes ? Ont-ils accès à un magasin de pièces de rechange, quelque part dans l’espace ? Les prothèses sont entourées de plastique. Ce sont des machines et pourtant, il semble qu’ils sont ici pour une bonne raison, comme s’ils avaient un but bien défini et un certain nombre de tâches à réaliser ici-bas. Que penser des catastrophes – incendie, guerre, désastre – qu’ils ont connues ?
« Ils disparaissent, réapparaissent ailleurs, traversent les murs, voyagent à travers la matière. Parfois, j’aimerais pouvoir faire comme eux. Mais cela voudrait dire qu’un tas de « voyageurs » traverseraient l’espace sans faire trop attention. Imagine les accidents ! »
Hier soir, j’ai rêvé que nos visiteurs nous emportaient hors de la maison pour nous installer dans leur vaisseau spatial. Mais dormais-je vraiment ?
Je m’étais réveillée quelque temps avant de rêver. Deux grands hommes d’environ huit pieds discutaient de la procédure. Ils avaient placé notre chambre dans un grand sac carré en coton beige clair. Tout était prévu : la chambre pouvait être transférée telle quelle. Les meubles restaient en place aussi.
J’étais nerveuse en les entendant parler. Vraiment, ils exagèrent !
« Je veux qu’ils s’en aillent, là, TOUT DE SUITE ! SORTEZ DE MA CHAMBRE !!! »
Heureusement, les plans furent avortés, car le véhicule qui était censé nous transporter vers la station spatiale risquait d’éclater, la lumière là-haut étant trop vive.
« Je ne sais pas si ce genre de scénario va se répéter. Cela me cause de l’anxiété. Je commence à en avoir assez. Ils vont et viennent ici comme s’ils étaient chez eux. Ils ne nous parlent pas. Pourquoi ne retournent-ils pas dans leur pays ?
Je dois me souvenir que je peux leur parler mentalement. Soyons fermes! »
« IL FAUT QU’ON SE PARLE
Combien de temps prévoyez-vous rester ici?
On ne connaît ni votre nom ni d’où vous venez,
ni même où vous allez.
Vous vous téléportez à travers les murs et les fenêtres
de notre maison. Vous entrez et sortez,
et profitez du fait que vous possédez des secrets
auxquels on ne connaît rien.
Vous êtes ici sans être invités et maintenant,
vous nous laissez vos enfants chaque jour
sans supervision, et sans le moindre mot
de remerciement.
Alors, qu’est-ce qui vous arrive, à vous et aux vôtres ? Au cas où vous ne seriez pas au courant,
ici, ce n’est pas votre monde.
Retournez dans le vôtre !
Vous y trouverez ce que vous cherchez.
Notre monde ne vous sera d’aucun secours.
Si vous êtes morts, et que vous vous êtes égarés,
en route pour le prochain palier,
demandez l’assistance de vos guides spirituels.
Vous êtes leur raison d’être.
Ils vous guideront jusqu’à la rivière.
Si vous souhaitez vous libérer et quitter notre monde,
il vous faut traverser cette rivière
Et retrouver les vôtres.
Ils vous attendent là-bas.
Allez-y, soyez libres !
Partez ! Allez en paix. »
*
Il y a du nouveau. Les visiteurs viennent le soir en grand nombre, parfois une trentaine. Ils sont assis autour de tables et chaises installées dans l’allée devant chez nous. Ils mangent, parlent en murmurant, chantent parfois. Hier, ils ont joué jusque tard en soirée. Hésitent-ils à partir ? Je vais essayer de leur parler.
« Traversez la rivière. Votre monde vous attend depuis longtemps. Ce sera pour tout le monde un moment de grande réjouissance ; un évènement comme le retour de l’enfant prodigue.
Alors, marchez la tête haute, les yeux fixés vers le ciel, captivés par la lumière Divine. Celle-ci sera votre guide, et, comme pour Moïse, la traversée de l’eau vous apportera paix et soulagement. N’oubliez pas : marchez la tête haute, les yeux levés vers la lumière Divine.
Chers visiteurs, je veux vous aider à vous remettre en marche. Je ne connais pas votre histoire, mais il me semble que votre peuple entier a été victime d’une tragédie qui vous a laissés dans un état de choc. Vous avez oublié pourquoi vous errez dans un monde qui n’est pas le vôtre. Ici, vous ne trouverez pas de solution. Vous devez retrouver votre monde. Pour se rendre dans cette réalité, il faut… »
Ceci est mon histoire.
Claudine Audette Rozon
334