A pour Atome
(depuis Orisson)
C’est quoi cette femme qui marche dans l’anthropocène :
son corps propulsé par la charge négative
conférée aux atomes qui la composent
et toute matière qu’elle incarne, qui la précède
et lui succède : les pierres sous ses pieds meurtris,
l’eau des fontaines du chemin parcouru par Roland,
l’air qu’elle respire au rythme de son cœur fléchi.
Sa vie en filigrane est soudée dans la minceur
d’une journée, d’une heure, d’une seconde
éclairées, seul le trajet devant elle existe, la piste
foulée, gagnante d’électrons partout et nulle part
comme sa présence excessive et surannée,
dans la brume d’une haute randonnée.
C’est Pyrène, peut-être ? Enfouie dans son torrent
de montagnes, les massifs calcaires et les crêtes
comme l’excroissance de son désir d’avancer
dans cet environnement riche en lumière, propice
pour la mémoire décalée, la réflexion, le radical libre.
B pour Biome
(depuis Trabadelo)
L’effigie minuscule du plastique
envoûte notre biomasse,
fait contraste avec la beauté
du monde, des montagnes léonaises
géantes au-dessus des nuages, biomes
qui abritent l’émerveillement sans nous.
Ces particules invisibles qui nous habitent
dans notre microscopique quotidien
sont expansives et nous tuent
sans faire de bruit, car nous sommes en trop,
adaptés à nos conditions spécifiques
sur la scène de nos corps submergés.
Je marche dans l’anthropocène,
éthylène, propylène et superflue,
à la base de ce paysage accidenté,
trop millénaire et trop physique pour se dire
métaphysique, malgré tout ce bleu
et les pas de tous ces pèlerins circonscrits.
Des empreintes trop humaines
se gravent dans le sol rocailleux,
des effluves telluriques au détour
d’un chemin balisé qui avance,
comme si ma vie était longue, malléable,
le temps linéaire et anthropologique.
H pour Homéostasie
(depuis Palas de Rei)
Mon Compostelle tisse ses mots,
depuis les profondeurs
nébuleuses de ma complicité profane
avec l’omniprésence des reliques
du patrimoine de la cité ciblée.
Je marche dans l’impureté du projet
poétique, son ouverture incertaine,
son langage d’une route étendue,
ses espaces inédits pour dire
les jonctions et les écartements du chemin.
La temporalité suspendue d’une autre vie,
une autre vie, est hydrolysée dans un champ
de liberté audacieux, sur la terre
hyperthermique, son homéostasie
accablée par les perturbations de mes pas.
Avec la collaboration d’Evan Taylor-Fontaine
Marie Carrière
Native d’Ottawa, Marie est professeure de littérature à l’Université de l’Alberta. Médée, protéiforme (Presses de l’Université d’Ottawa) compte parmi les études littéraires qu’elle a fait paraître. Un recueil de poésie, N’être dans le temps, est paru dans l’ouvrage collectif, À cœur ouvert : Quatre voix au féminin de l’Ouest canadien, aux Éditions de la nouvelle plume en 2024. Ses écrits tant poétiques que scientifiques s’intéressent à l’intersubjectivité, l’éthique et l’écologie.
Le chemin
Virginie Hamel (2024)