Nous nous retrouvons face à lui.
On a beau ériger des édifices,
Le vent trouve toujours son chemin.
Quand la fatigue nous saisit,
Pourrions-nous nous y accoter,
Afin qu’il nous soutienne?
Les gouttes d’eau tombent.
Et nous, nous activons les essuie-glaces,
Pour mieux voir le chemin.
Le pare-brise fait exploser les moments;
De nombreuses gouttes, seulettes.
Mais collectivement, elles dressent un feeling intégral.
Une histoire a besoin d’un arc narratif.
Quelles couleurs aura mon arc à moi?
Je pleure de joie,
Je pleure, car on me fait mal.
Sous un nuage gris,
Qui se déverse sur nous;
Impossible d’apercevoir les nuances.
J’ai un nuage métaphorique au-dessus de moi,
Qui me garde sous l’ombre de mémère,
Elle qui savait qu’on n’était pas des sauvages,
Car nous n’étions pas des saoulons.
C’est une des choses qu’elle m’a dites,
Un verre de brandy devant elle.
Il faut écouter nos grands-mères.
Elles qui portent nos traditions, notre folklore.
Elles qui portent la sagesse des ancêtres.
Je vous salue Marie,
Vous qui êtes bénie entre toutes les femmes,
Car le fruit de vos entrailles,
Aurait pu me sauver,
Selon les histoires qu’on a écrites sur lui.
Prier c’est parler à quelqu’un qui n’est pas là.
Je ne crois pas à la prière.
Au Créateur.
Mais ça m’arrive de parler quand il n’y a personne là.
Les bouteilles de vin accumulées sur la table.
Partagées avec des invités qui ont déjà repris leur route chez eux.
Je préfère les bouteilles de gin,
Car avec une lumière,
Elles savent créer des arcs-en-ciel.
Les bouteilles de bière me font penser à mon père,
Aux eaux marronnes de la rivière Rouge.
Mon sang rouge fait de moi un acte de réconciliation.
J’ai hérité une haine de qui je suis.
Je suis Métis, malgré ce que mémère m’a dit.
Je suis gai, malgré mes nombreuses prières.
Ma nation est née d’hommes qui ont choisi de délaisser leurs femmes catholiques.
À la chasse de queues,
Mouillées par les eaux du Grand Manitou.
On se sent errant sur des eaux mouvementées.
Instable, on se cherche un troisième point d’ancrage.
Mon trépied se manifeste par mes désirs.
Et si je me fatigue,
Je m’y accoterai un instant.
Saura-t-il mieux me soutenir,
Que les six murs d’une boîte?
Enfermé, tout est noir.
Pas besoin de lumière pour savoir que je suis le seul cygne noir, parmi des cygnes blancs.
Le fils du roi m’a à l’œil,
Sa main sur son fusil d’argent.
Son arme la plus dangereuse c’est son cœur,
Car il bat avec de la haine pour tout ce qui est différent.
Pourquoi tant de folklore nous apprend
Que le noir doit être éradiqué?
Je préfère me souvenir que certaines fables donnent sagacité au corbeau,
Lui aussi un oiseau noir.
Ramasser sa plume,
Pour écrire avec elle,
Tremper dans une encre.
Il faut connaitre la haine si l’on veut se réconcilier.
Quelles paroles nous y mèneront?
Mes paroles s’appuieront sur la langue française,
Une langue colonisatrice.
Une langue autochtone aussi.
L’épistémologie métisse est faite ainsi.
Si je me mords la langue,
Ça veut dire que le français,
Je dois l’avoir au bout de la langue.
Si je montre mes dents,
Si j’ouvre tout grand,
Peut-être on peut y glisser quelque chose?
Montre-moi l’arc-en-ciel lors des jours de pluie.
Sinon je viderai ma bouteille pour me le créer moi-même.
Je vais en faire tourner une,
Voir ce que le destin m’offre.
Les objets en mouvement sont obscurs,
Difficiles à voir.
Je peux lire sur le rétroviseur :
Les objets sont plus prêts qu’ils ne le paraissent.
Mes objets désirs ne semblent jamais me rejoindre.
Est-ce plutôt un avertissement?
Les objets sont plus prêts qu’ils le paraissent.
Mieux vaut rester en mouvement pour y garder une distance ;
Impossible de regarder dans un miroir sans se voir.
Je suis moi-même un acte de réconciliation.
Haine, peine, désir, et amour.
Je ne peux qu’être toutes ces couleurs,
Qui formeront mon arc narratif écrit à l’encre noire.
Michel Saint-Hilaire — Faces
Médiums mites sur toile et lumière Néon, 21 par 17 pouces, 2016